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Avignon - Critique

« Cercles » de Boris Charmatz , une humanité bondissante, une multitude tournoyante

« Cercles » de Boris Charmatz , une humanité bondissante, une multitude tournoyante - Critique sortie Avignon / 2024 Avignon Stade de Bagatelle

Entrée libre et gratuite
Chorégraphie Boris Charmatz

Publié le 30 juin 2024 - N° 323

Un acte artistique en train de se faire, une expérience qui se déploie en direct et nous happe : voilà une très belle façon d’ouvrir le Festival d’Avignon, dans l’instant présent et la puissance du collectif.

On aime d’emblée le côté décontracté et bonne franquette de la proposition de Boris Charmatz, quand il nous propose de nous joindre à l’échauffement. Et nous voilà embarqués à l’intérieur du cercle, à suivre en petits groupes les consignes d’un des onze enseignants-danseurs. Ça se décoince, ça saute, ça rame, ça rampe, ça court dans tous les sens, ça fait la chenille et c’est miracle de voir toute cette gaîté se croiser sans collision, braver l’incongruité des gestes et le regard des autres pour partager cet élan commun qui donnera le ton de la performance. Et les spectateurs de regagner leur place, laissant libre champ aux 200 participants de Cercles : un « Atelier de recherche chorégraphique en plein air ». Estampillée tout de même « Création Festival Avignon 2024 », la performance est justement à prendre dans cet entre-deux, donnant précisément valeur artistique et politique dans ce rassemblement géant, en ouverture du festival, mené avec des amateurs en extérieur, et en accès libre et gratuit.

Entraînés par la cadence électro du groupe allemand Meute

 

Boris Charmatz est au micro, Magali Caillet Gajan et les onze danseurs se mélangent à la foule des participants venus tenter l’expérience, qu’ils soient quidams avérés, amatrices ou amateurs de danse, élèves, danseurs et danseuses professionnelles ou même fameuse journaliste. L’horizontalité et la lenteur font s’élever les corps dans une concentration et une tension de yogis ; des duos entrelacés coulent doucement ; une foule dansante se constitue, le poing de la lutte en étendard. Avec comme base de travail l’Etude révolutionnaire d’Isadora Duncan (1922) et les propositions des onze danseurs d’inspirations multiples et traditionnelles, les corps portent des histoires en transformations, du plus resserré dans l’espace au plus large, du plus tranquille au plus urgent, du plus intime au collectif. Recommencer, prendre le temps de faire, laisser passer une boucle, deux boucles… sous nos yeux, Boris Charmatz oriente, réorganise en temps réel, interrompt le cours des choses pour mieux refaire une entrée, changer la musique… Cercles nous montre cette humanité bondissante, cette multitude tournoyante ; nous révèle la danse dans ces gens qui travaillent, se trompent, recommencent, sans cesse remettent l’ouvrage sur le métier et qui, rincés, s’octroient dix minutes de pause. Le temps que la pluie nous rince à notre tour, laissant dans le pétrichor un certain goût d’inachevé. Mais n’est-ce pas là tout le sel de cette performance, en forme de moment suspendu ?…

 

Nathalie Yokel

A propos de l'événement

Cercles
du dimanche 30 juin 2024 au lundi 1 juillet 2024
Stade de Bagatelle
île de la Barthelasse

à 21h. Entrée libre et gratuite.

 

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