La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Grenouille et l’architecte

La Grenouille et l’architecte - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Eric Legrand Légende photo : « Un divertissement théâtral et musical à connotation politique. »

Publié le 10 avril 2009

Musique, texte philosophique, sources documentaires : le directeur de la Comédie de Béthune tente d’explorer la question de la démocratie locale par le biais d’un spectacle mosaïque.

C’est à partir d’extraits des livres I et II de La République de Platon, mais aussi de comptes rendus de conseils municipaux et d’interviews d’élus locaux résidant aux six coins de l’Hexagone que Thierry Roisin a conçu La Grenouille et l’architecte. Composé de trois volets distincts correspondant à ces différents matériaux, le nouveau spectacle du directeur de la Comédie de Béthune s’affirme comme une joyeuse tentative de convoquer la question de la démocratie locale sur un plateau de théâtre. Une tentative allègre, hétéroclite, dont le cœur penche vers une couleur résolument satirique. Car l’essentiel de ce spectacle musical (les compositions sont de Richard Dubelski, François Marillier et Catherine Pavet, trois des huit comédiens présents sur scène) porte le plus souvent à rire ou à sourire. Chansonnettes, pastiche de carnaval, mauvaise foi d’élus enfermés dans des attitudes partisanes, ergotages au sujet de problématiques pour la plupart marginales… La Grenouille et l’architecte part de la passionnante dialectique opposant Socrate et Thrasymaque (à propos de la notion de justice au sein de la cité) pour se diriger vers des perspectives beaucoup moins aiguës. Des perspectives enjouées, divertissantes, mais qui peinent à mener bien plus loin que leur dimension récréative.
 
Une représentation déséquilibrée
 
Car, la matière documentaire que présente Thierry Roisin à l’occasion des deux dernières parties de sa représentation ne permet pas vraiment de poursuivre les réflexions que La République avait si brillamment initiées. « Dans toutes les cités », soutient Thrasymaque au sein du texte de Platon, « la justice est une seule et même chose, c’est l’intérêt du plus fort, l’intérêt du gouvernement en place ». Le sophiste en conclut que la vie de l’homme injuste et plus heureuse que celle de l’homme juste, idée que Socrate contredit… Tout cela est captivant. Malheureusement, les comptes rendus municipaux et, dans une moindre mesure, les confessions d’élus suivant cette échappée en terre philosophique s’avèrent, eux, décevants. On se doute bien que les mairies peuvent être le lieu de chicanes parfois stériles à propos de considérations anecdotiques. De même, se contenter de dire que la tâche des élus de proximité est souvent difficile, qu’elle requiert courage et abnégation ne fait qu’effleurer la question de la démocratie locale. En investissant de manière excessive ce genre d’évidences, La Grenouille et l’architecte se déséquilibre, perdant ainsi l’opportunité de parcourir et d’éclairer des zones plus ambitieuses, plus profondes.
 
Manuel Piolat Soleymat


La Grenouille et l’architecte, conception et mise en scène de Thierry Roisin. Du 24 mars au 6 avril 2009. Les lundis, mardis et jeudis à 19h30, les mercredis, vendredis et samedis à 20h30. Comédie de Béthune, Centre dramatique national Nord / Pas-de-Calais, Studio-théâtre, place du Maréchal-Foch, 62400 Béthune. Réservations au 03 21 63 29 19.

Reprise au Théâtre national de Marseille – La Criée, du 20 au 24 avril 2010.

A propos de l'événement


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