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Après une première création présentée en 2011 [...]
Avignon / 2019 - Entretien / Denis Lavant
Après Cap au pire en 2017, Denis Lavant revient cette année au Théâtre des Halles avec un autre texte de Samuel Beckett mis en scène par Jacques Osinski : La Dernière Bande. Une passionnante descente dans les profondeurs de l’humain.
Vous vous emparez de La Dernière Bande après avoir interprété Cap au pire. Qu’est-ce qui relie et différencie, pour vous, ces deux œuvres de Samuel Beckett ?
Denis Lavant : Ce qui les relie, d’abord, c’est que ce sont toutes deux des monologues. Et ce qui les différencie, c’est que La Dernière Bande est un texte écrit pour le théâtre, alors que Cap au pire est un roman. Cap au pire ne comporte donc aucune indication scénique. Nous l’avons abordé, Jacques Osinski et moi, dans un très grand minimalisme. D’une certaine façon, j’ai envie de dire que La Dernière Bande est peut-être une œuvre plus sentimentale. Car à travers cette pièce, Samuel Beckett rend hommage à une femme morte prématurément, une femme qu’il aimait infiniment. Cette déclaration d’amour se cache derrière une forme de cynisme fruste, mais il ne faut pas s’y laisser prendre. La Dernière Bande, à travers le personnage de Krapp, est en fait un texte beaucoup plus tendre que Cap au pire. Chez Krapp, il y a quelque chose de pathétique qui est extrêmement émouvant. Ce personnage réécoute chaque année, le jour de son anniversaire, une vieille bande magnétique qu’il a lui-même enregistrée 20 ans auparavant…
Ce qui constitue une réflexion sur le temps et particulièrement sur le présent…
D.L. : Oui, l’appréhension du temps est fondamentale chez Beckett. La Dernière Bande est, de ce point de vue, un véritable précipité de présent. C’est aussi ce qui en fait un texte très différent de Cap au pire. Car Cap au pire formule par les mots, dans un mouvement inéluctable, une vision du présent qui s’amenuise.
Au-delà de ce rapport au temps, quelle dimension vous paraît essentielle dans l’écriture de Samuel Beckett ?
D.L. : Son humour. Ce qui est au cœur de l’écriture de Beckett, c’est une grande lucidité et un humour terrible. On pourrait dire que c’est le rire d’une tête de mort… Beckett a une manière jubilatoire de relativiser la gravité de ce qui se passe, de notre condition de mortels, de la vacuité des choses. C’est d’ailleurs le propre des grands esprits. Il y a chez lui un humour burlesque, un humour qui tient du clown. Dans toutes ses pièces, il met en scène des grands marginaux, des personnages qui sont à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du temps, qui vivent leur vie en attendant que ça se passe… Découvrir ce théâtre, quand j’étais adolescent, grâce à une représentation d’En attendant Godot, a été pour moi une véritable révélation. Une expérience qui a non seulement marqué la conscience du spectateur que j’étais et du comédien que j’allais devenir, mais qui a aussi marqué, plus globalement, ma conscience d’humain.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
à 21h30. Relâche le mardi. Tél. : 04 32 76 24 51.
Après une première création présentée en 2011 [...]