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Théâtre - Entretien

La Dame aux camélias

La Dame aux camélias - Critique sortie Théâtre Sceaux Les Gémeaux - Scène Nationale
Le metteur en scène Arthur Nauzyciel. Crédit : Frédéric Nauczyciel

D’après Alexandre Dumas fils / mes Arthur Nauzyciel

Publié le 23 août 2018 - N° 268

Le directeur du Théâtre national de Bretagne associe théâtre et cinéma dans une version âpre de La Dame aux camélias. Une version qui explore les rapports d’oppression et de soumission présents dans l’œuvre d’Alexandre Dumas fils.

La Dame aux camélias est souvent envisagée de manière romantique, voire mélodramatique. Quel regard portez-vous sur cette œuvre ?

Arthur Nauzyciel : Il faut savoir que La Dame aux camélias est à la fois un roman, paru en 1848, et une pièce de théâtre créée quelques années plus tard par son auteur. Ce qui m’a intéressé au départ, ce sont les différences que révèlent les deux versions de cette même histoire.

 Quelles sont ces différences ?

A.N. : Le roman est finalement assez âpre. Il fait preuve d’une certaine dureté dans son analyse des rapports entre les hommes et les femmes, son analyse d’un monde soumis au pouvoir de l’argent au sein duquel le fait de survivre représente un combat quotidien. Fort du succès de son roman, Alexandre Dumas fils l’a adapté pour le théâtre de boulevard et son public bourgeois avec l’intention de faire, là aussi, un succès. Il a donc d’une certaine façon adouci la pièce en lui donnant une dimension plus convenable. Car dans le roman, qui s’inspire de la propre vie de l’écrivain, Armand Duval abandonne Marguerite Gautier, qui meurt ruinée et seule. Dans la pièce, elle meurt dans les bras d’Armand. A un niveau plus métaphysique, on voit comment la fiction, à travers le théâtre, vient réparer l’existence, le réel.

 Dans la version que vous créez, vous confrontez donc ces deux versions…

 A.N.: Oui, nous les croisons, les alternons, les simultanéisons, les désynchronisons… Sans forcément choisir entre l’une ou l’autre, nous réalisons un travail d’adaptation qui fait le va-et-vient entre le roman et la pièce.

 « Ce qui est frappant dans cette histoire, c’est qu’elle porte en elle le sédiment d’une chose qui s’est perpétuée jusqu’à aujourd’hui. »

Vous accomplissez également un autre travail de confrontation : entre le théâtre et le cinéma…

A.N.: Oui, je me suis entouré de la même équipe que pour un précédent spectacle créé à Séoul, l’Empire des lumières, avec l’idée de continuer à explorer un dialogue entre le cinéma et le théâtre. Sans pour cela qu’une chose se substitue à une autre, car je pense vraiment que le théâtre peut tout raconter. Je ne fais pas appel au cinéma pour combler une dimension que le théâtre ne pourrait investir, mais pour ajouter un éclairage supplémentaire. Je souhaite en effet que le cinéma prenne en charge quelque chose d’autre, quelque chose venant renforcer la présence d’un monde irréel, lyrique, crépusculaire. Un monde qui est en fait un entre-deux monde : entre les morts et les vivants, le visible et l’invisible, le réel et la fiction…

Quels aspects de notre époque souhaitez-vous éclairer à travers cette histoire de passion tragique

A.N.: Je trouve que ce qui est frappant dans cette histoire, c’est qu’elle porte en elle le sédiment d’une chose qui s’est perpétuée jusqu’à aujourd’hui. Il est ainsi assez troublant de remarquer qu’il n’y a pas une scène, dans la pièce, qui ne parle d’argent. Dans La Dame aux camélias, les rapports d’oppression et de soumission induits par la société s’expriment à travers l’intime et la sexualité. Il s’agit là, me semble-t-il, d’une thématique extrêmement contemporaine.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

La Dame aux camélias
du jeudi 11 octobre 2018 au dimanche 21 octobre 2018
Les Gémeaux - Scène Nationale
49 Avenue Georges Clemenceau, 92330 Sceaux

A 20h45 du mercredi au samedi et à 17h le dimanche, 49 Avenue Georges Clemenceau, 92330 Sceaux. Téléphone : 01 46 61 36 67
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