Un Fils formidable
Invité par le Festival d’Automne, l’auteur et [...]
Olivier Balazuc et Lou Wenzel font leur rentrée aux Plateaux Sauvages. Sous la direction du metteur en scène, la comédienne interprète Max Gericke ou pareille au même de Manfred Karge : l’histoire d’un chemin d’existence à double voie.
Qui est le personnage autour duquel est construit Max Gericke ou pareille au même ?
Olivier Balazuc : L’ambivalence du titre évoque un vertige, celui d’une double identité : Ella Gericke, jeune ouvrière allemande, décide de prendre le nom, l’apparence et le travail de son mari, Max, mort prématurément. Nous sommes à la fin des années 1920, dans une Allemagne étranglée par la crise et le chômage.
Lou Wenzel : Ce personnage traverse la seconde partie du siècle en étant homme ou femme, selon les circonstances. C’est une question de survie. Mais cela ne se fait jamais au détriment d’un genre ou de l’autre.
O.B. : En fin de compte, Ella/Max explore une troisième voie. Le moment qui nous touche le plus est celui ou elle tombe amoureuse d’une jeune communiste, parce qu’elle a appris à voir avec les yeux d’un homme. Mais son désir ne peut s’assouvir car elle reste une femme hétérosexuelle. Et son secret la condamne à la solitude.
L.W. : Ella est un symbole de résistance individuelle, un « monstre » qui défie la monstruosité identitaire du XXème siècle, avec Hitler comme paroxysme.
O.B. : Elle défie également la société libérale, qui apparaît comme une nouvelle machine à broyer les identités. Son propre corps est un laboratoire de survie. Elle refuse de faire allégeance, de s’encarter.
A quel endroit ce texte fait-il se rejoindre vos deux univers artistiques ?
L.W. : Artistes femme et homme, nous voulions rendre compte avec notre sensibilité des questions qui travaillent la société contemporaine. Nous sommes tous les deux comédien-ne et metteur-e en scène. Olivier est également auteur. Nous cherchons à interroger les genres artistiques, à les mêler, car c’est toujours à l’endroit de la friction, du déplacement qu’il se passe quelque chose.
O.B. : L’être humain n’est pas univoque. A la notion d’identité, toujours excluante, rétrécissante, nous préférons celle de personnalité, qui débride les imaginaires et dénoue le songe mortifère de l’appartenance. L’identité nous précède, alors que la personnalité affirme notre être au monde.
Sur quelles vues communes s’est construite votre collaboration ?
O.B. : La première mise en scène de Max Gericke, signée par Michel Raskine, avec Marief Guittier, date de 1984, avant la chute du Mur de Berlin. Nous voulions poursuivre leur geste par la version de notre génération. L’espace scénique est celui d’un chantier – destruction, reconstruction, construction ? – qui fait naître un théâtre où le poème prend corps de manière universelle et généreuse.
L.W. : Un théâtre qui privilégie le conte à la référence historique, afin que chacun puisse greffer sur cette pièce sa propre histoire, sa propre lutte.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
Du lundi au vendredi à 20 h. Tél. : 01 40 31 26 35. www.lesplateauxsauvages.fr