La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Kadoc de Rémi de Vos, mise en scène de Jean-Michel Ribes

Kadoc de Rémi de Vos, mise en scène de Jean-Michel Ribes - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Rond Point
Kadoc au Rond-Point © Giovanni Cittadini Cesi

texte de Rémi de Vos / mes Jean-Michel Ribes

Publié le 28 février 2020 - N° 285

Jean-Michel Ribes met en scène Kadoc de Rémi de Vos, une comédie sur le travail qui fait vibrer toutes les cordes du genre.

L’impression d’avoir déjà vu tout cela mais certainement jamais comme ça, c’est un peu ce qu’on ressent à l’issue de Kadoc. Car l’histoire commence avec une couche d’absurde façon Gogol : un homme voit assis à sa place à son bureau un petit homme singe que personne mis à part lui ne voit. Se poursuit avec une louche de boulevard : trois couples façon XXème siècle s’entrecroisent – l’homme travaille, la femme fait les courses, la cuisine, et parfois déprime. Et débouche sur un quiproquo au goût de risotto : une invitation à dîner qui n’atterrit pas dans le bon caddie. Le tout sur fond de fascinante scénographie conçue par Sophie Perez, mélangeant passerelle et riches escaliers mordorés façon palace, avec des couleurs minérales de coquillages-grottes préhistoriques : quelque chose du monde du travail en mode Tati et un doigt de surréalisme version Dali. Cette pièce écrite par l’incasable Rémi de Vos, dont de nombreux textes ont déjà été montés au Rond-Point, Jean-Michel Ribes la voit comme une « mosaïque de bizarreries », une « polyphonie des ego ». Et c’est vrai qu’à partir d’une intrigue somme toute assez simple se déploie au plateau un mille-feuilles de tonalités qui permet à Kadoc d’échapper sans cesse à l’attendu. Sur le thème des relations de travail, dans ce qu’elles peuvent avoir d’angoissant et de révélateur des bassesses humaines, Kadoc navigue entre satire, vaudeville et franche déconnade avec un certain bonheur.

Quelques échanges mémorables

En orchestrant avec fluidité l’enchaînement des face-à-face sur son grand plateau en open space, Jean-Michel Ribes fait respirer l’écriture composite de l’auteur. L’ensemble est porté par une belle distribution. Le poète Jacques Bonnaffé dans son camaïeu de rouges, chaussures framboise et veste écossaise, incarne subtilement un Wurtz fantasmé par ses collègues comme chef tyrannique, qui, à domicile, se métamorphose en « tout petit amour » d’une épouse franchement barrée (irrésistible Marie-Armelle Deguy). Gilles-Gaston Dreyfus est excellent en lâche carriériste, mâle oméga si con qu’il traite tout le monde de con, hors sa femme ni pute ni soumise, mais pas loin (malicieuse Anne-Lise Heimburger). Les époux Schmertz, enfin, (fragiles et émouvants Caroline Arrouas et Yannick Landrein) incarnent la génération XXIème siècle, plus sensible, plus humaine, qui peine à se faire une place dans ce monde cruel. La pièce gagnera certainement à s’accélérer dans sa première partie, ponctuée de quelques échanges mémorables, et progresse sur un mode crescendo vers une fin très drôle. C’est dans la cruauté, la noirceur, que Kadoc éclate, qu’on éclate de rire, quand il ne reste plus rien à sauver de l’ordinaire sociabilité. Clic-clac Kadoc. On peut retirer les masques. Nos portraits sont tirés.

Eric Demey

 

A propos de l'événement

Kadoc
du mercredi 26 février 2020 au dimanche 5 avril 2020
Théâtre du Rond Point
2bis Avenue F.D. Roosevelt, 75008 Paris.

à 21h, le dimanche à 15h. Relâche le lundi et les 1er, 3 et 29 mars. Durée : 1h30.

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