« Prophétique (on est déjà né.es) » de Nadia Beugré, un moment de bruit et de fureur queer
Nadia Beugré offre un moment de bruit et de [...]
Trois œuvres de Jerome Robbins, chorégraphe de génie, dansées magistralement par les étoiles et le Ballet de l’Opéra national de Paris, soulignent son mélange inimitable de légèreté et d’esprit.
Il est plus que rare d’avoir réuni en un même lieu et en même temps les deux facettes de Jerome Robbins, qui a toujours eu un pied dans le ballet classique, l’autre dans la comédie musicale, soit à la fois West Side Story au Châtelet et une soirée qui lui est dédiée à l’Opéra de Paris. De ce fait, on peut apprécier ce qui constitue le talent prodigieux de ce chorégraphe : un souci de la perfection allié à une fausse décontraction dans le mouvement qui donne à chacun de ses « pas » une apparente simplicité qui emporte l’adhésion du public et surtout rend lisible son propos. C’est très sensible dans ce programme que lui consacre l’Opéra de Paris, avec des danseurs au sommet de leur art. Débutant par En Sol, sur la musique de Maurice Ravel (Concerto en sol pour piano et orchestre), nous voici transporté sur une plage du Sud de la France, où naïades et nageurs s’ébattent sur fond de vagues bleues qui ondulent. Sous une lumière de bains de mer, la chorégraphie se joue de la musique avec la rapidité de ces tours et la légèreté de ses sauts. La partition contribue à cette impression avec sa gaieté et surtout ses accents très jazz qui s’accorde à merveille à la gestuelle de Robbins qui se déploie avec finesse dans le deuxième mouvement : un duo élégiaque porté magistralement par les étoiles Hannah O’Neill et Hugo Marchand.
Chopin à l’honneur
In the Night sur les Nocturnes de Chopin met en danse trois couples représentant trois moments d’une relation : les premiers émois amoureux, la maturité et la passion et ses heurts. Le concept est simple, la chorégraphie est somptueuse. Le premier couple en bleu (Sae Eun Park et Paul Marque) entre sur scène comme en apesanteur. D’une sensualité délicate, sachant passer de la lenteur la plus suspendue à la vitesse la plus fougueuse, de portés audacieux en figures au sol, ils s’enroulent ou s’envolent comme fondus l’un dans l’autre. Quand survient le deuxième couple en couleur d’automne (Ludmila Pagliero et Mathieu Ganio) on distingue déjà la réserve et les émotions contenues dans leur danse d’une élégance parfaite. Agrémenté d’une tournure de czardas ou de mazurka, le déroulé d’un pied, la façon d’effleurer le plateau, d’aller au bout de chaque mouvement sont déjà une forme de sublimation de la danse classique. Enfin, le troisième duo en gris et rouge (Amandine Albisson et Audric Bezard) ne fait pas mystère de leur relation entre désir physique et frictions passionnelles. Enchevêtrements et cambrés, corps cabrés, explications tempétueuses rythment ce pas de deux impressionnant. Enfin The Concert, sorte de pochade où le chorégraphe se moque à la fois du public un peu snob des concerts, de la danse classique avec parodie du Lac des cygnes ou des Sylphides, et des pianistes, toujours sur la musique de Chopin, est un morceau d’anthologie et d’humour incontournable. Les danseurs et danseuses sont exceptionnels, la Ballerine (Léonore Baulac), le mari (Arthus Raveau), et la femme (Héloïse Bourdon) tenant les rôles principaux avec un entrain et une folie bienvenue. Mention spéciale à la pianiste Vessela Pelovska qui joue, aux deux sens du terme, son rôle à merveille.
Agnès Izrine
Tél. 08 92 89 90 90.
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