La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Je suis un pays

Je suis un pays - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Colline

Théâtre de la Colline / texte et mes Vincent Macaigne

Publié le 23 mai 2018 - N° 266

Passé l’effet de surprise et de répétition, où nous emmène, où se dirige Vincent Macaigne ? Tentative de réponse avec Je suis un pays.

En 2011 à Avignon, Vincent Macaigne dynamitait le paysage théâtral avec son éruptif Au moins j’aurais laissé un beau cadavre. Depuis, la grande machine du théâtre français s’est quelque peu habituée à ses spectacles, à sa griffe : des acteurs vociférant leur colère ravageuse, des effets scéniques spectaculaires – rideaux de fumée, musique à fond, terre, eau et fausse hémoglobine en quantité qui chaque soir inondent le plateau –, une énergie folle, un investissement physique hors-normes, le plaisir du grotesque et des transgressions qui réinventent la place du public… Il y a chez Macaigne l’effusion du chamboule-tout, la séduction folle du jusqu’au-boutiste qui impose ses désirs à la réalité trop sage du théâtre. S’il a maintenant bien pénétré le paysage de la scène et du cinéma, il y a toujours chez lui la folie de l’outsider qui n’hésite pas à prendre tous les risques.

Un chaos qui fait rire, lasse ou agace

La preuve avec Je suis un pays. Après un Idiot qui nous avait noyé dans des logorrhées absconses, Macaigne retrouve ici une certaine clarté. Nous sommes en 2837, au lendemain de l’apocalypse, en compagnie de ses seuls survivants. Voilà pour la situation de départ qui se complique toutefois par la suite, de manière bouffonne. « On a l’impression de rentrer dans la mythologie comme dans un gros mix » énonce un personnage. En effet, on tisse des liens entre le prophète attendu, le patriarche encagé et l’élection façon téléréalité d’un nouveau dirigeant. En deux actes, on essaye de reconstruire un monde dans un chaos macaignesque qui tour à tour fait rire, lasse, amuse, agace ou fait réfléchir. Entre des fulgurances poétiques, des discours convenus sur l’état du monde et de la politique, et cette capacité de toute parole à se moquer d’elle-même, souvent, on ne sait plus quoi penser. C’est tant mieux ? C’est tant pis ? La débauche de moyens et les monologues imposants interrogent parfois sur la capacité de Macaigne à ne pas se prendre les pieds dans le tapis de ce qu’il dénonce. Mais heureusement, suit une pirouette rappelant que tout cela est susceptible de n’être pas bien sérieux. Un no future punk et joyeux télescope donc l’éternelle fraîcheur de chansons pop ; Œdipe, le gore Grand Guignol et Monsanto s’enchevêtrent dans le tourbillon porté par des comédiens en prise et bien à la hauteur. A l’issue du spectacle, pourtant, on peut dégriser. De ces fêtes échevelées persiste parfois le goût d’un épisode illusoire, arrosé, tout aussi nécessaire que vain.

Eric Demey

A propos de l'événement

Je suis un pays
du jeudi 31 mai 2018 au jeudi 14 juin 2018
Théâtre de la Colline
15 rue Malte Brun, 75020 Paris

du mardi au samedi à 19h30 et le dimanche à 15h. Durée : environ 3h45.

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