La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

4.48 Psychosis

4.48 Psychosis - Critique sortie Théâtre Alfortville Théâtre-Studio d’Alfortville
Hélène Viviès, impressionante interprète de 4.48 Psychosis. Crédit : DR

Théâtre-Studio d’Alfortville / de Sarah Kane / mes Christian Benedetti

Publié le 23 mai 2018 - N° 266

Créée le 25 janvier 2017 au Théâtre-Studio d’Alfortville, la mise en scène de 4.48 Psychosis* signée par Christian Benedetti est reprise, dans le même théâtre, du 16 mai au 9 juin. Une proposition au plus brut de la pièce de Sarah Kane interprétée par la stupéfiante Hélène Viviès.

 

Le noir se déchire et on la voit face à nous, debout sur un petit praticable incliné, à l’avant-scène, côté jardin, les bras le long du corps. Immobile. Droite. Sous le halo d’un unique projecteur crachant une lumière blanche, une lumière crue. Elle fixe le vide, le visage étonnamment dense, avant que de poser le regard sur différents points du gradin. Il va ainsi, par haltes successives, de droite à gauche, imposant une forme de raideur, de rudesse. Le silence se prolonge. Encore. Dense lui aussi. D’une improbable consistance. Puis des mots finissent par percer, naissent comme naturellement, de manière organique : « Mais vous avez des amis ». Premiers mots du cri de colère, de souffrance, d’accablement lancé par la dramaturge britannique Sarah Kane quelques semaines avant son suicide, à l’âge de 28 ans, le 20 février 1999. Presque vingt ans plus tard, c’est une comédienne stupéfiante qui se laisse traverser, au Théâtre-Studio d’Alfortville, par ces mots et ces silences d’une violence rare. Dans une mise en scène sans concession de Christian Benedetti – au plus brut, au plus vrai de ce que peut être 4.48 Psychosis – Hélène Viviès porte la pièce de Sarah Kane à son plus haut niveau d’intensité et de réalisme.

Une submersion dans les méandres de la dépression psychotique

Profondément corporelle, d’une justesse et d’une précision confondantes, la comédienne semble davantage vivre que jouer 4.48 Psychosis. Le moment au-delà du théâtre auquel elle donne voix et corps ne nous laisse aucune possibilité d’échappatoire. Cette proposition pleine d’âpreté ne tend en effet pas à poétiser la pièce ou à théâtraliser la présence de son interprète. C’est la chair de cette langue et de cet être torturé qui se présente à nous. Sa vie encore tranchante et tonitruante. Sa virulence, son extrême vérité. Dans un rapport de grande proximité avec le public, Hélène Viviès scande le texte comme elle malaxerait de la terre glaise, sans chercher à entrer dans un rapport de complicité avec celles et ceux qui la regardent. Ce qu’elle fait surgir est à la fois très beau et assez éprouvant. Car on a du mal, par instants, à respirer, asphyxiés par tant de dureté, tant de noirceur, tant de rage. Pourtant, aucune outrance ou démesure ne renvoie ici à une quelconque forme d’artifice ou de facilité. Ce 4.48 Psychosis est d’une exigence radicale. Au bord des larmes comme au bout du désespoir, Hélène Viviès avance sans se retourner vers l’implacable accomplissement d’une mort annoncée. Elle aura lieu à 4h48, heure où les mots s’éteindront dans le silence.

 

* Pièce publiée par L’Arche Editeur.

 

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

4.48 Psychosis
du mercredi 16 mai 2018 au samedi 9 juin 2018
Théâtre-Studio d’Alfortville
16 rue Marcelin-Berthelot, 94140 Alfortville

à 20h30. Relâche les dimanches, les lundis et les mardis. Durée de la représentation : 1h05. Tél. : 01 43 76 86 56. www.theatre-studio.com

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