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Avec Baudelaire et Marguerite Duras en appuis, Célie Pauthe met en scène Bérénice, la tragédie où les larmes coulent à la place du sang, et noie Racine dans l’insignifiance d’un drame bourgeois.
Suétone résuma l’intrigue en trois mots : « dimisit invitus invitam ». Malgré lui et malgré elle, Titus éloigna Bérénice de sa couche et de Rome. Même s’ils s’aiment, les amants ne le peuvent, et même s’ils ne peuvent se quitter, ils le doivent… La raison d’Etat ignore les raisons du cœur ; Rome exècre les rois et ne supportera pas qu’une reine devienne impératrice. Bérénice est une tragédie sans meurtre mais non sans souffrance, puisque ceux qui pourraient convoler ne s’aiment pas, pendant que ceux qui s’aiment ne peuvent se marier. Le roi de Comagène aime Bérénice mais l’amante de Titus n’aime pas Antiochus… Ces trois damnés rentreront dans le rang de leur gloire, acceptant ce que seuls les héros ou les saints peuvent supporter : le sacrifice. Souvenir de cet autre janséniste qu’était Pascal : Bérénice, Titus et Antiochus demeurent misérables dans leur grandeur, et savoir qu’ils sont pitoyables n’ôte rien à leur malheur. Voilà la « tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie », remarque Racine dans sa préface à la pièce.
Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien
« Toute l’invention consiste à faire quelque chose de rien » dit aussi le dramaturge à propos des amours impossibles de Titus et Bérénice. Célie Pauthe met cette exigence en exergue de son projet pour en justifier le minimalisme et la modeste réserve. Refusant l’emphase et le bruit, la metteure en scène choisit de faire sentir la pression et le conflit à l’œuvre dans cette tragédie avec une sourde intensité, en ensablant le décor et en intercalant entre les actes des extraits du court-métrage Césarée, dans lequel Marguerite Duras exhume le triste sort de Bérénice « de la poussière de l’histoire ». Au rien racinien s’ajoutent donc les ellipses poétiques du verbe durassien et une économie générale du presque rien qui peine à convaincre. On finirait presque par trouver Edouard et Wallis plus valeureux et plus grandioses en comparaison de cette asthénie que seul vient secouer le plaid en mohair rose agité par Marie Fortuit (Arsace). Les comédiens, tout en retenue, ne parviennent pas à provoquer le moindre intérêt pour leurs personnages, et la mise en scène, qui alterne platement adresse au public et traversée du plateau, ne confirme pas les qualités de profondeur et d’invention des précédents spectacles de Célie Pauthe.
Catherine Robert
Du mardi au samedi à 20h ; dimanche à 15h ; relâches exceptionnelles les 13 et 20 mai. Tél. : 01 44 85 40 40. Durée : 2h25. Le 3 juin à 20h, récital Mélodie Richard.
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