La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Huis clos entre action et pensée

Huis clos entre action et pensée - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Aquarium La Cartoucherie
Aurélie Van Den Daele. Crédit photo : DR

Entretien / Aurélie Van Den Daele Piggy Pickit voit la face de Dieu / de Roland Schimmelpfennig / Dans les veines ralenties / D’après Ingmar Bergman / mes Aurélie Van Den Daele

Publié le 28 octobre 2014 - N° 225

Il y a ce que l’on dit et puis l’invisible, tapi en notre for intérieur, collé au revers des mots. Aurélie Van Den Daele cerne cet indicible à travers deux pièces qu’elle assemble en diptyque titré Avant l’oubli, se retrouver. Peggy Pickit voit la face de Dieu, de Roland Schimmelpfennig, et Dans les veines ralenties, d’après Cris et chuchotements de Bergman.

En quoi le rapprochement des deux pièces fait-il sens ?

Aurélie Van Den Daele : Elles se déroulent toutes deux à huis clos et évoquent ce qui émerge de cet enfermement-là. Qu’a-t-on à se dire et que peut-on se dire ? Ces deux pièces explorent par ailleurs le lien entre théâtre et cinéma. Dans les veines ralenties est une adaptation d’un scénario de Bergman ; Peggy Pickit voit la face de Dieu est écrite comme un montage cinématographique. Le diptyque tend donc des liens thématiques et formels.

Que vient révéler la situation du huis clos ?

A. V. D. D. : Roland Schimmelpfennig écrit selon une structure très particulière, circulaire, qui fonde son style et entremêle deux temporalités : l’une est celle de l’action, l’autre est celle des pensées des personnages, témoignages de leur subjectivité. Le huis clos finit par dévoiler l’écart entre ce qui se dit quand les deux couples se retrouvent le temsp d’un dîner, après six années, dans un salon bourgeois, et ce qui ne peut être dit, qui s’échappe dans des « énoncés » : les raisons de leurs choix, leurs engagements, leurs lâchetés. Peggy Pickit est aussi le nom d’une poupée blanche en latex, sorte de Barbie, que le couple resté en Occident a amenée. Elle trouve une compagne dans la soirée puisque le couple qui revient d’Afrique ramène une poupée en bois, Annie Abeni. Ces jouets forment une mini-société qui, au cours du dîner, prend le relais de la parole accidentée, trouée de non-dits, notamment sur les rapports Nord-Sud. Dans les veines ralenties évoque davantage l’incommunicabilité. Dans la maison familiale, vestige d’une époque révolue, les trois sœurs veillent leur mère en train de mourir, luttent avec leurs émotions qui affleurent mais ne naissent jamais totalement.

Le cinéma appelle un registre de jeu particulier, qui repose sur des techniques de montage, de cadrage, de flashback… Comment les traitez-vous au théâtre ?

A. V. D. D. : Nous avons transposé ces mécanismes. Les mêmes outils vidéo sont en jeu dans les deux spectacles, mais différemment. J’avais envie de travailler sur le gros plan, de sortir du plan fixe objectif du théâtre où tout est à voir mais rien n’est mis en exergue. Dans les veines ralenties, Agnès, photographe et vidéaste, tient un journal vidéo de ses sensations en ses derniers moments, comme artiste qui fait de sa vie une œuvre. La théâtralité de la crise qui se déroule sur le plateau tranche avec l’intimité qui se dévoile en hors champ, à travers l’image vidéo, et qui s’adresse directement au spectateur. Dans Peggy Pickit voit la face de Dieu, la vidéo restitue le petit monde des poupées par le gros plan.

Le cinéma repose généralement sur une esthétique du réel. Comment avez-vous abordé cette question-là ?

A. V. D. D. : Nous avons traité les deux spectacles comme s’ils se déroulaient dans des studios de tournage, comme des dispositifs à jouer. Le réalisme du décor est transposé et décalé par le fait que, autour, manquent des éléments du réel. Nous avons aussi travaillé sur la technique, qui se déploie à vue autour du plateau, si bien que le spectateur peut avoir l’impression étrange d’être à la fois derrière la caméra et sur scène. Le théâtre devient ainsi un révélateur de l’alchimie complexe de nos existences.

Entretien réalisé par Gwénola David

A propos de l'événement

Huis clos entre action et pensée
du samedi 1 novembre 2014 au dimanche 30 novembre 2014
Théâtre de l’Aquarium La Cartoucherie
Route du Champ de Manoeuvres, 75012 Paris, France

Diptyque : samedi 1er novembre à 20h30 et les dimanches à 16h. Dans les veines ralenties Bergman : les mercredis, vendredis et samedi 15 nov. à 20h30, les dimanches à16h. Peggy Pickit : les mardis, jeudis et samedis (sauf le 15 nov.) à 20h30, les dimanches à 17h45. Tél : 01 43 74 99 61.

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