Etat des lieux de la danse en France
Proximité et ouverture
Monique Plouchard dirige le théâtre Paul Eluard de Bezons depuis son ouverture en 1995. Ce fut le premier lieu à recevoir le label “Plateau pour la danse“ en 1997. Et il devint, en 1999, la première scène conventionnée pour la danse. Une juste reconnaissance des institutions pour un projet qui était loin d’être gagné d’avance.
C’est une drôle d’idée que d’ouvrir un théâtre pour la danse à Bezons ?
Monique Plouchard : C’est vrai. C’est une petite ville de 26000 habitants issus pour beaucoup de classes modestes. Pas le lieu idéal pour la danse a priori. En 95, personne n’y croyait. Sauf le maire qui a résisté à toutes les réticences, et le conseil général qui nous a vite soutenus. J’avais fait réaliser une étude de faisabilité par un cabinet indépendant, qui nous avait donné le feu vert. Depuis toujours, je porte cette croyance que la danse contemporaine est accessible à tous et réjouissante.
« Nous avons conquis les spectateurs un par un. »
Comment avez-vous tenu votre pari avec le public ?
M.P : Nous avons conquis les spectateurs un par un. Nous partons du principe que le travail d’action culturelle ne peut pas être réalisé par d’autres que les auteurs programmés. Et de la même manière, les spectateurs ne peuvent pas participer aux actions culturelles s’ils n’ont pas de billet pour le spectacle. Nous essayons d’être inventifs, pour qu’à chaque auteur et chaque groupe de spectateurs s’associe une forme personnalisée d’action.
La danse contemporaine est donc accessible à tous ?
M.P : Bien sûr. Et je n’ai jamais transigé sur le fait qu’il n’était pas nécessaire de faire venir des tutus pour appâter, même si je n’ai rien contre les tutus. Il faut se placer sous l’angle du spectateur. Nous expliquons depuis le début que la danse, qui souvent se passe de parole, laisse ainsi une totale liberté de lecture. Que la danse contemporaine est écrite par des auteurs vivants et que les spectateurs aussi sont des contemporains. Et qu’en plus, en danse contemporaine, aucun spectacle ne ressemble à un autre. Nous avons aussi beaucoup travaillé sur la convivialité du lieu afin qu’il n’apparaisse à aucun moment comme un lieu sacralisé.
Ce travail de proximité s’accorde-t-il avec l’ambition de rayonnement d’une scène conventionnée ?
M.P : Absolument. Dès le début, j’ai trouvé fondamental de ne pas rebuter les gens de la ville, élus comme spectateurs, en disant « on est connu ailleurs mais pas ici ». Pour moi, ce lieu est comme un arbre : plus les racines sont profondément ancrées, plus les branches peuvent s’étendre. Autrement dit, il faut travailler très fort sur la proximité pour travailler sur l’ouverture.
Propos recueillis par Eric Demey