Ombres portées de Raphaëlle Boitel

Qu’abordez-vous dans Ombres portées ?

Raphaëlle Boitel : Je reviens à la famille, et plus particulièrement ses secrets, dont l’impact est considérable dans notre construction personnelle ou sur le plan social. Ainsi, dans cette fratrie, l’un des personnages, une femme, semble porter quelque chose qu’elle a toujours tu. On suit sa quête identitaire, son chemin de rédemption. J’éclaire sa part d’ombre et ses conséquences : l’aveuglement, la culpabilité, les maladies, la chaîne de contamination…

En quoi cette œuvre s’inspire-t-elle de Kafka ? 

R.B. : L’univers tragi-comique et la métamorphose, propres à Kafka, ont toujours été présents dans mes projets. De façon poétique, Ombres Portées, aussi inspiré des polars des années 50, du cinéma de science-fiction et de la bande dessinée, nous plonge dans des destins qui basculent. Dans nos fragilités et nos forces, car c’est ainsi que nous honorons le courage tapi dans la peur ! J’invite mes personnages à rejoindre la lumière. Tentant de discerner le vrai du faux, le bien du mal, la connaissance de la conviction, ceux-ci nous emportent dans un voyage aux lisières du rêve et du conscient.

« Je n’ai jamais autant dit avec des mots. »

Vous aimez révéler la beauté des êtres qui luttent pour continuer d’exister. Comment le traduisez-vous sur scène ?

R.B. : Le langage physique peut toucher tout le monde. J’aime dire avec les corps mais là, je n’ai jamais autant dit avec des mots. Peut-être pour libérer la parole ? En tout cas, j’ai développé la présence du texte et stylisé les personnages. Mes références : Jung pour les rêves, Dostoïevski pour le double, Edgar Morin, Steven Pinker… Côté cinéma, je me suis inspirée, entre autres, d’Un air de famille, pour l’humour, de Festen, pour le drame. Multidiffusée jusque sous les sièges du public, la musique nous fait vivre ce spectacle en immersion.

Et le cirque dans tout ça ?

R.B. : Les personnages évoluent sur des agrès de cirque inhabituels, corde lisse et volante, acrodanse, sangles. Mettre en scène les étudiants de la 32e promotion du CNAC a occasionné de belles rencontres. J’ai distribué trois d’entre eux qui m’ont particulièrement touchée par leurs virtuosité technique et potentiel interprétatif. Porté par un univers en clair-obscur, leur récit invite à regarder au plus près stigmates et morsures psychiques.

Entretien réalisé par Sarah Meneghello