Cuir
Critique
Le Bateau Feu à Dunkerque / d'Arno Ferrera et Mika Lafforgue de la compagnie Un loup pour l'homme
Publié le 26 septembre 2021
Entre traction et attraction, ils visent le pouvoir sur l’autre et aussi avec l’autre. Un corps à corps brut et dépouillé par un duo masculin de choc et néanmoins sensible.
À travers sa pratique des portés acrobatiques, la compagnie Un loup pour l’homme s’attache à défendre une vision de l’humanité constituée d’êtres sociaux, certes différents, mais dépendants les uns des autres. Vaste terreau d’étude des relations humaines, le « main à main » constitue un de ses langages de prédilection. Le format léger de Cuir détone : 35 minutes avec seulement deux interprètes, alors que ce collectif nous a habitués à des distributions plus importantes. Autre originalité : l’agrès. Les deux acrobates y explorent les capacités de leurs corps à l’aide d’harnais équestres, habituellement réservés aux travaux de traits et de labours, un accessoire permettant d’amplifier le potentiel de traction. Cet outil archaïque suggère la bestialité qui sommeille en nous. Il nous projette aussi aux temps des gladiateurs, d’autant que des postures signifient la gloire des vainqueurs. Mais le propos est résolument moderne. Entre bascules et équilibres, la lutte devient séduction. Le corps à corps emprunte à la fois au registre du combat à mains nues et de l’étreinte sensuelle.
Puissance et sensualité
Face à face, peau contre peau, dessus dessous, à quatre pattes, ces acrobates aux corps sculpturaux font preuve d’un grand engagement physique. Parfaitement maîtrisée, la force remarquable des interprètes s’exprime dans des enchaînements fluides, bien que répétitifs. Dénudés, harnachés de cuir, le duo est suffisamment érotique pour en gêner certains. Grognements, pulsions, sueur, intentions explicites… Les protagonistes tentent de dominer leurs instincts. Heureusement, la solennité dans les échanges maintient une distance salutaire, creusée par des néons blafards. Le champ de bataille se transforme volontiers en terrain de jeu. L’affrontement devient alors un moyen de mieux connaître l’autre : tester la force de son partenaire, laisser apprécier la sienne. Celui qui porte peut aussi résister et renverser. Complicité, sensibilité, adaptabilité : serait-ce donc vraiment ce qui distingue l’homme de l’animal ?
Sarah Meneghello
A propos de l'événement
Cuirdu mardi 19 octobre 2021 au mercredi 20 octobre 2021
Tél : 03 28 51 40 40.
La Fabrique des Arts, scène nationale de Malakoff, du 17 au 19 novembre.
Spectacle vu au festival Bonus à Hédé-Bazouges.