« La vie secrète des vieux », Mohamed El Khatib s’attaque à la thématique de l’amour et de la sexualité chez les seniors
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La marque du Begat Theater, c’est de réussir à créer les conditions d’une expérience intime et fragile tout en investissant l’espace public. HOME/LAND est un bijou de sensibilité qui ne déroge pas à la règle : cette installation vivante propose aux membres du public d’explorer, à leur rythme, des Archives de l’éphémère qui vont les amener à se plonger dans le souvenir de ce qu’est un chez soi, avant de les inviter à le partager.
Le cadre est, en l’occurrence, sublime : la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon sert de décor à cette expérience immersive. Même sans cela, la visite vaut infiniment le détour. Ce parcours en visite libre, qui tient de l’exposition autant qu’il tient du théâtre immersif, guide la personne qui le découvre au travers d’étapes précisément agencées tout en lui laissant la maîtrise de son rythme. A l’entrée, Philippe Laliard accueille les visiteurs d’un jour ou d’une heure, leur raconte une histoire d’exil volontaire et d’exploration, de découverte de soi à travers la découverte du monde. Une histoire de rencontre de l’Autre, en somme. Il nous invite ensuite à goûter l’étape suivante : la salle de lecture faite de dizaines de chaises, surmontées chacune d’une lampe, sur l’assise desquelles attendent des petits fascicules dont chacun contient la transcription d’un témoignage individuel, recueilli par Dion Doulis et Karin Holmström. Ce sont des dizaines de récits de vie qui voisinent ainsi, et la salle s’emplit lentement d’un public silencieux et concentré, qui se laisse graduellement happer par ces confessions anonymes. L’image est superbe : l’église conventuelle, sa voûte majestueuse, son ouverture sur le jardin du Procureur, et ces dizaines de personnes assises qui absorbent silencieusement des parcelles de la vie de ces femmes et de ces hommes qui ont confié là leurs doutes, leurs blessures, leurs arrachements, leurs bonheurs également. Mais il ne s’agit que du début du voyage : il faut bientôt lui dire adieu, pour prendre place aux tables d’archivistes, puis traverser un paysage sonore fait de boîtes diffusant discrètement des témoignages enregistrés pour arriver enfin au comptoir.
Décrire la courbe délicate qui va du souvenir intime à la curiosité de l’autre
Au cheminement physique au travers du dispositif correspond un cheminement intérieur : HOME/LAND est une préparation qui infuse lentement en chaque personne qui la traverse, remuant délicatement les traces du passé, faisant resurgir des sensations, des lieux, des visages. C’est un processus pensé avec beaucoup d’intelligence : partant d’une expérience individuelle, intérieure, elle offre le temps de l’introspection, puis l’occasion du partage. C’est une trajectoire émotionnelle qui incite d’abord à plonger en soi avant de mener vers l’extérieur et vers les autres, associant en un même mouvement ces deux pôles que l’on a trop tendance à opposer. On ne peut pas livrer ici toutes les étapes du dispositif, afin de ne pas gâcher le plaisir de le goûter pleinement. Mais on peut souligner combien la qualité d’écoute des archivistes volontaires est importante, combien la bienveillance et l’empathie qui sont sensibles tout au long du parcours est déterminante, combien fine est l’intelligence qui a pensé cette progression qui guide d’une main bienveillante la disposition mentale des invités qui traversent ces archives. De bout en bout, une mise en son subtile forme comme un écrin sonore, fait de bruits, de murmures, de musique atonale. Lorsque l’on parvient enfin au comptoir, au bout de ce subtil périple, on comprend que la fin n’est que le commencement : c’est ici que Dion Doulis et Karin Holmström attendent le public avec une tisane, une invitation et une histoire. HOME/LAND est un tour de magie qui transmue le réel en poésie, le souvenir intime en moment d’humanité partagée. Sous les auspices de lames de Tarot dispersées le long du chemin, cette œuvre difficilement classable ouvre une brèche dans nos attitudes souvent gardées et fait entrer la lumière dans nos cœurs.
Mathieu Dochtermann
accès au dispositif de 20h à 23h, à La Chartreuse. Relâche le 14 juillet. Durée : 60 min. Tél. : 04 32 75 15 95.
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