La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Georges Lavaudant

Georges Lavaudant - Critique sortie Théâtre
Crédit visuel : Victor Tonneli Légende : Georges Lavaudant

Publié le 10 mars 2012 - N° 196

Du combat politique au débat philosophique

Tout juste 10 ans après avoir une première fois mis en scène la pièce de Georg Büchner au Théâtre national de l’Odéon, Georges Lavaudant recrée La Mort de Danton à la MC93. Une nouvelle version qui vise à poursuivre le travail effectué en 2002. Entre dépouillement et approfondissement.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de réinterroger, aujourd’hui, La Mort de Danton ?

Georges Lavaudant : L’idée est venue de Patrick Sommier, le directeur de la MC93 avec qui est née une forme de compagnonnage, il y a plusieurs années. Un jour, alors que je lui confiais des envies de spectacles, il m’a dit qu’il était hanté par la mise en scène de La Mort de Danton que j’avais présentée à l’Odéon, en 2002, et qu’il trouvait vraiment dommage de ne pas recréer ce spectacle, afin de permettre à de nouveaux spectateurs de le découvrir. Je me suis laissé convaincre par son enthousiasme !

En quoi consiste, pour vous, cette recréation ?

G. L. : Tout d’abord, il faut dire que la distribution de ce nouveau spectacle est en grande partie la même que celle de la précédente version (ndlr, on retrouve sur scène Gilles Arbona, Philippe Morier-Genoud, Fabien Orcier, Patrick Pineau, Julie Pouillon…). En ce qui concerne l’espace, on s’est inspiré de la scénographie de 2002 en essayant de la simplifier, de faire quelque chose d’encore plus dépouillé. Pour moi, recréer La Mort de Danton, ce n’est pas du tout faire table rase de la première version, mais plutôt de repartir de celle-ci en me demandant ce qui pourrait être encore davantage approfondi. 

Et qu’avez-vous été amené à approfondir ?

G. L. : Je crois, par exemple, que l’on a davantage mis à l’épreuve les raisonnements des personnages, afin d’en explorer tous les tenants, tous les mécanismes. Nous avons regardé tout cela de façon beaucoup plus minutieuse, presque arithmétique. Dans La Mort de Danton, les différents protagonistes ont souvent conscience de l’atrocité de leur politique.

« La Mort de Danton est, à divers endroits, un décalque du modèle shakespearien. »

Mais lorsqu’ils font leur autocritique, ils se déculpabilisent en se disant qu’ils ne sont que des marionnettes entre les mains du destin. C’est l’une des grandes idées de Büchner. Et puis, j’ai l’impression que l’on s’est peut-être davantage attardé sur la fin de la pièce qui, après une première partie axée sur le combat politique, met en place un débat philosophique et religieux.

Avec, au centre de ce débat, la question de la mort…

G. L. : Oui, car d’une certaine manière, Büchner a été très influencé par Hamlet. La Mort de Danton est, à divers endroits, un décalque du modèle shakespearien. Büchner interroge le thème de la mort, se demande ce qu’il peut bien y avoir après la vie. Avec l’idée que l’existence peut se révéler terrible et que, parfois, on préférerait mourir… Mais se pose alors la question de savoir si la mort n’est pas pire que la vie. Je crois qu’il y a dix ans, nous nous étions sans doute moins rendus compte de la richesse de ces questionnements philosophiques. Nous les avions davantage envisagés d’un point de vue de l’émotion.

Dix ans ont passé depuis la création de la première version. Comment avez-vous abordé le vieillissement des interprètes ?

G. L. : Faire revisiter un rôle par un même acteur à différentes périodes de sa vie, comme le faisait Giorgio Strehler, ou comme cela se pratique dans les grandes troupes allemandes, est une idée qui me plaît beaucoup. Les dix années qui viennent de s’écouler seront là, sur le plateau, elles se verront, dans les muscles des comédiens, dans leurs yeux, dans leur mémoire et dans la mienne, bien sûr. Je trouve cette perspective extrêmement belle.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat 


La Mort de Danton, de Georg Büchner (texte français de Jean-Louis Besson et Jean Jourdheuil) ; mise en scène de Georges Lavaudant. Du 9 mars au 1er avril 2012. Représentations à 20h, à 19h30 le mardi, à 15h30 le dimanche, relâche les mercredis et jeudis. MC93 Bobigny, 1, boulevard Lénine, 93000 Bobigny. Tél : 01 41 60 72 72.

A propos de l'événement


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