La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Jean-Pierre Lescot

Jean-Pierre Lescot - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 mars 2012 - N° 196

Voyage au pays des ombres et des rêves

Le joli théâtre de la Halle Roublot dirigé par Jean-Pierre Lescot fête ses 25 ans et propose un voyage dans le répertoire de la compagnie, ainsi que la découverte d’une création jeune public, Mais où est passé Léon ?. Adepte éclairé du théâtre d’objets, de marionnettes et d’ombres, Jean-Pierre Lescot sollicite pleinement l’imaginaire du jeune spectateur, entrecroisant rêve et réel, réflexions et émotions.

 « Le spectacle témoigne de nos besoins de voyance et d’inspiration, d’une recherche de forces élévatrices. »

En quoi consiste votre projet artistique avec cette nouvelle création jeune public ?

Jean-Pierre Lescot : Cette pièce destinée au jeune public interroge et fait vivre des objets trouvés dans un grenier par un professeur et son assistant, qui ont le pouvoir de faire voyager les ombres au pays des rêves. On se pose la question de savoir ce qu’il y a derrière tous ces objets oubliés et endormis : cheval de bois, ombrelle, bicyclette, ours en peluche et poupée de chiffon… Deux espaces bien particuliers se distinguent par ce qu’ils contiennent et par leurs esthétiques :  devant se trouvent les objets qui appartiennent au monde du réel, de l’autre côté de l’écran, place au monde de l’onirisme, au langage de la couleur, du noir, de l’ombre avec ses disproportions. C’est une occasion de découvrir la vie avec ses déceptions, ses craintes, ses espoirs et ses menaces.  Et c’est aussi une occasion de montrer la force de la consolation et des moments de bonheur, une victoire de la quiétude sur l’inquiétude. Le professeur et son assistant sont des êtres bien vivants, avec un côté Don Quichotte et Sancho Pança. Le professeur est un chercheur de rêve et en même temps il les lit, les interprète, établit un lien entre réel et rêve. Le spectacle témoigne de nos besoins de voyance et d’inspiration, d’une recherche de forces élévatrices. La pièce cherche à solliciter de l’émotion. C’est une manière de voir le monde autrement qui fait naître un lieu de condensation, avec des jeux de distorsion de la durée, de la forme. Les choses sont ainsi intensifiées et mises en contrastes, et de multiples relations se tissent avec la matière, la couleur, la lumière, les sons, le grain de la voix. L’enfant est doublement étonné : il voit la magie et voit comment elle opère, sans aucun didactisme. Il assiste au pouvoir magique  des instruments, un peu dans l’esprit de Méliès, et les difficultés lorsque les instruments défaillent sont bien visibles.

Comment avez-vous découvert le théâtre d’ombres ?

J.-P. L. : J’ai beaucoup voyagé, notamment en Extrême-Orient. C’est en voyant un spectacle balinais dans les années soixante que tout s’est déclenché. Je me suis rendu compte que l’ombre se définissait comme une force agissante sur l’imaginaire,  probablement à cause de la ressemblance et de la distorsion de cette ressemblance, et parce que l’ombre appartient au monde de la nuit, de l’inconnu. Montrer une ombre, c’est montrer une part d’angoisse de nous-mêmes, de ce qui nous fait peur dans la vie, et travailler sur l’ombre exorcise cette peur. C’est une des images anciennes qui ont le plus bouleversé l’imaginaire humain, et c’est un exceptionnel lieu d’interprétation.

Plusieurs des spectacles de la compagnie sont à voir à la Halle Roublot…

J.-P. L. : Cette rétrospective permet de voir ou revoir des spectacles et de faire vivre un répertoire. Cela me tient à cœur. Dans un système qui soumet à une création permanente, où les productions s’ajoutent les unes aux autres, raconter à nouveau une histoire installe artistes et spectateurs dans une forme de rituel plutôt que dans un acte de consommation.

Propos recueillis par Agnès Santi


Mais où est passé Léon ? , par la cie Jean-Pierre Lescot, du 27 au 31 mars, séances scolaires et tout public dès 3 ans, au Théâtre Roublot, 95 rue Roublot à Fontenay-sous-Bois. Tél : 01 48 76 59 39.

A propos de l'événement


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