La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2024 - Entretien / Frédérique Voruz

Frédérique Voruz signe le texte et la mise en scène de la pièce « Le Grand Jour ».

Frédérique Voruz signe le texte et la mise en scène de la pièce « Le Grand Jour ». - Critique sortie Avignon / 2024 Avignon Avignon Off. Théâtre des Halles
© Antoine Agoudjian Frédérique Voruz signe le texte et la mise en scène de la pièce Le Grand Jour.

Théâtre des Halles, texte et mise en scène de Frédérique Voruz

Publié le 4 juin 2024 - N° 323

Après le seule en scène Lalalangue, saisissante histoire de survie en milieu hostile, l’autrice, metteure en scène et comédienne Frédérique Voruz sublime à nouveau l’expérience du vécu grâce au théâtre. La mère est morte, la fratrie se réunit, c’est le Grand Jour… 

En quoi ce jour d’enterrement de la mère est-il un grand jour ?

Frédérique Voruz : En ce jour de mise en bière, c’est la première fois depuis des années que la fratrie est entièrement réunie. C’est le grand jour auquel cette fratrie pensait être préparée, voire que certains attendaient, pour être libérés de cette mère omniprésente, de son intrusion permanente. Mais la mère continue de les visiter, un à un, et là va se dire ce qui ne s’est jamais dit, se régler ce qui ne l’a jamais été. Ils ne pourront se dérober à l’instant, devront se confronter à ce qui reste, aux rôles dont ils peinent à s’extirper, à ce qui les lie encore au passé, et malgré eux les uns aux autres. Cette famille ne sait pas se parler, ne sait pas s’aimer.

« Je cherche à faire ce que l’on cherche en analyse : faire triompher le désir sur le tragique de l’existence. »

Quelles sont les axes directeurs de votre mise en scène ?

F.V. : Le spectacle repose sur la construction rythmique de la pièce, sur l’alternance des scènes de chœurs et des scènes plus intimes, de zooms sur les personnages. Il a fallu au cours des répétitions trouver cet état de lait sur le feu sur le point de déborder. Les personnages sont sans cesse en train de manquer de déborder. Ils sont à cran, à fleur de peau. Toute la pièce se déroule dans la cuisine. J’aime l’idée de cette coulisse, où l’on peut ne faire que passer, mais où la fratrie ne peut échapper aux confrontations. J’ai choisi de faire rester les huit comédiens et comédiennes sur scène tout au long de la pièce, et pour les moments d’isolement des personnages, je suis partie de tableaux pour sculpter les immobilités, tableaux essentiellement bibliques (l’Ascension de Gustave Doré, La Cène de Vinci…). Je voulais que malgré le caractère quotidien des scènes de chœur, cela soit théâtral, dans le sens de dessiné, transposé, dansé. La lumière créée par Geoffroy Adragna comme la musique jouée en direct par Eliot Maurel accompagnent cette transposition poétique. La musique met en branle la mémoire, permet aux enfants de trouver le chemin de leurs émotions.

En quoi votre théâtre est-il lié au dévoilement que permet la psychanalyse ?

F.V. : Ma façon de transposer, de mettre à distance par l’écriture théâtrale n’aurait assurément pu avoir lieu sans la psychanalyse. C’est elle qui m’a permis de nommer, de mettre ma pensée en forme, c’est par l’analyse que j’ai créé mon propre langage, et donc mon écriture. Je cherche à faire du réel une fiction, à rendre l’horreur poétique, à transformer le tragique en comique. Je cherche à faire ce que l’on cherche en analyse : faire triompher le désir sur le tragique de l’existence. Ne pas m’y conformer, m’y résoudre. La parole théâtrale permet un endroit de sublimation inatteignable autrement, même en analyse. Sur scène, lorsque l’histoire devient fiction, elle nous échappe, ne nous appartient plus, devient celle du public à qui on l’adresse. Avec Lalalangue, j’ai commencé par un texte autobiographique. Et cette première pièce a été le levier de mon autonomie, de mon affranchissement de l’Autre. Je cherche par la parole théâtrale à insuffler de la tendresse et de l’amour là où la réalité parfois échoue.

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

Le Grand Jour
du samedi 29 juin 2024 au dimanche 21 juillet 2024
Avignon Off. Théâtre des Halles
4 rue Noël Biret, 84000 Avignon

à 14h. Relâche les 3, 10 et 17 juillet. Durée : 1h20. Tel : 04 32 76 24 51. Durée : 1h20.

x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur Avignon

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur Avignon en Scènes