La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -171-bethune

Thierry Roisin

Thierry Roisin - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 octobre 2009

Enracinement et succès

Thierry Roisin entame sa sixième saison à la tête de la Comédie de Béthune. Il présente à un public toujours plus nombreux des créations de qualité et des invités de talent.

Quel bilan depuis votre installation à la tête de cette maison ?
Thierry Roisin : J’entame ma sixième saison. Ça passe vite ! Il y a une reconnaissance évidente et indéniable de la part du public. Les spectateurs connaissent la démarche de curiosité et de découverte qui leur est proposée. Notre public a rajeuni. Et il y a plus de deux mille abonnés, ce qui est une bonne nouvelle ! Auprès des professionnels de la région, le projet est désormais reconnu et identifié de façon claire. La saison passée a été assez chargée. On a inauguré La Voix est libre, carrefour de jaillissements entre musique et théâtre et espace de rencontres entre poètes, musiciens et acteurs sur des formes courtes et improvisées. On espère davantage de public pour la deuxième édition : il est important qu’un CDN rende visibles des choses nouvelles et fasse se rencontrer des gens qui n’en ont pas l’habitude.
 
Cette année, vous créez un spectacle dans le cadre d’Itinéraire bis.
T. R. : Itinéraire bis continue à développer des projets de création à partir d’une grande forme déclinée sur le territoire. Itinéraire bis est un outil qui nous permet d’être dans la filiation de la décentralisation et de rencontrer les gens en les impliquant dans le projet d’une manière ou d’une autre. Itinéraire bis investit des territoires où la démarche théâtrale n’est pas spontanée. Sa forme est sans cesse en renouvellement car selon les propositions artistiques, les réseaux, les relais, les collaborations sont modifiées.
 
Ce spectacle s’intitule Deux Mots.
T. R. : C’est un texte commandé à Philippe Dorin, dont l’écriture m’intéresse beaucoup. Dorin écrit pour les acteurs : c’est essentiel. Il fait parler des gens qui ont des mondes intérieurs touffus et ardents mais qui n’ont que peu de mots pour le dire. Son écriture est à la fois très métaphysique et très concrète. Il y a en elle quelque chose de désarmant mais d’une très grande profondeur. Il a écrit ce texte pour une actrice, Catherine Pavet, avec laquelle j’aime bien travailler. On trouve dans ce texte une première veine narrative, presque policière : une femme sort des objets de son sac et se raconte. Parmi ces objets, un pistolet, une liasse de billets : il y a un côté Bonnie chez elle. Mais aussi un côté Winnie et c’est là la deuxième veine. Il y a un aspect beckettien dans cette écriture, autant dans l’économie des mots que dans l’absurdité du monde. Le monde de Dorin est très désenchanté. Tout sauf mièvre ! Et puis c’est un texte dans lequel il n’y a pas de gras ! Tout y est essentiel et le trivial y rejoint constamment l’existentiel.
 
« Des artistes qui ont le désir ardent d’aller au bout d’un code théâtral. »
 
Quel est l’esprit de votre programmation ?
T. R. : On essaie de poursuivre notre politique de propositions et de formes diversifiées avec des projets où la convention choisie est menée jusqu’au bout. Nous choisissons des artistes qui ont le désir ardent d’aller au bout d’un code théâtral. Nous n’oublions pas non plus que nous avons une mission de théâtre généraliste. Le CDN est le seul endroit sur le territoire où les gens peuvent redécouvrir les classiques et découvrir la création contemporaine.
 
Vos deux dernières créations sont reprises à Béthune et en tournées. Comment expliquer ce succès ?
T. R. : La tournée de Montaigne compte une cinquantaine de dates. La pièce tourne aussi bien dans des grosses institutions que dans des petits théâtres et rencontre des publics très différents. La force de ce spectacle tient sans doute au fait qu’il plaît autant à ceux qui découvrent Montaigne qu’à ceux, plus érudits, qui y retrouvent un homme qui leur est proche. La Grenouille et l’architecte est un spectacle qui a reçu un formidable accueil public. On a décidé de le reprendre au Palace l’an prochain, en le réadaptant pour cette salle plus grande. Ce qui fait son succès, c’est le regard contradictoire qu’il porte sur la politique : à la fois satire (attribut précieux de la démocratie que de se moquer du pouvoir) et démonstration que loin des stars de la politique, sa pratique est portée sur le terrain par des gens vraiment exemplaires dont on parle peu. Cela permet de redonner du crédit à la politique et de reposer la question fondamentale de l’exercice de la démocratie.
 
Propos recueillis par Catherine Robert


Deux Mots, de Philippe Dorin, mise en scène de Thierry Roisin. Du 9 au 13 novembre 2009 dans le cadre de la programmation d’Itinéraire bis. La Grenouille et l’architecte, spectacle conçu et mis en scène par Thierry Roisin. Du 27 au 30 avril 2010 au Palace et en tournée en France pendant la saison 2009-2010. Montaigne, d’après Les Essais, spectacle conçu et mis en scène par Thierry Roisin. En tournée en France pendant la saison 2009-2010.

A propos de l'événement



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