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"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -144-2e2m

Pierre Roullier, directeur de l’Ensemble 2e2m

Pierre Roullier, directeur de l’Ensemble 2e2m - Critique sortie Classique / Opéra

Publié le 10 janvier 2007 - N° 144

Depuis 2005, Pierre Roullier est à la fois le directeur artistique et le chef
d’orchestre de l’Ensemble 2e2m. Si le premier évoque les missions politiques de
l’Ensemble et les rapports avec ses partenaires, le second s’exprime sur la
programmation, en lien avec les compositeurs mais aussi avec d’autres
disciplines artistiques. Interview multiple.


Avant d’en assurer la direction, vous avez été flûtiste au sein de 2e2m. A
quand remonte votre premier contact avec la formation ?

Pierre Roullier : Je suis quasi arrivé lors de la création de 2e2m. À
l’époque, mon professeur était Pierre-Yves Artaud, qui jouait dans l’Ensemble.
J’ai immédiatement été sensible à l’énergie de cette formation. Mais en 1977,
j’ai réussi le concours de soliste à l’Ensemble orchestral de Paris. Pendant dix
ans, j’ai donc quitté l’univers de la musique contemporaine. Je n?étais
cependant pas particulièrement heureux à l’Ensemble orchestral et j’avais envie
d’aborder la musique de manière plus globale. En 1988, j’ai donc démissionné
pour me consacrer à la direction d’orchestre et revenir à la musique
d’aujourd’hui.

En 2005, vous êtes nommé directeur artistique et musical de l’Ensemble.
Quelles ont alors été vos priorités ?

P.R. : Il fallait une rupture forte. Les musiciens, en premier,
ressentaient un malaise. Les concerts n?étaient plus de grande qualité et la
programmation devenait improbable. Il y a donc eu de grands changements, tant au
niveau structurel que musical.

Comment s’articule votre politique artistique ?

P.R. : Chaque saison, nous mettons l’accent sur un compositeur. Il a la
possibilité de voir interpréter aussi bien ses ?uvres solo que ses pièces pour
ensemble. Le public doit pouvoir découvrir tous les aspects de sa production.
Nous cherchons des compositeurs qui ont une démarche forte. Cette année,
l’invité est Aureliano Cattaneo. Sa problématique autour du temps sert de fil
conducteur pour toute la saison. L’année prochaine, ce sera Frank Bedrossian qui
viendra en résidence. La programmation doit aussi rappeler l’histoire de
l’Ensemble. Nous jouons donc la musique de Donatoni, Kagel ou Feldman, qui ont
été « lancés » par 2e2m.

« Les formes artistiques doivent se faire écho et engendrer un jeu
de miroirs »

L’interdisciplinarité semble au c’ur du projet de 2e2m.

P.R. : Il est question de créer ensemble. Par exemple, dans Il n?y a
qu’un pas
de Gérard Pesson, le geste instrumental rejoint le geste
chorégraphique. Les formes artistiques doivent se faire écho et engendrer un jeu
de miroirs. Mais il y a parfois un danger dans ce type de projet : ne pas
vouloir assumer ce qu’on fait, à savoir de la musique contemporaine. On peut
également noter qu’il y a une évolution chez les compositeurs. Ils sont plus
ancrés socialement et créent davantage de passerelles, notamment vers la pop ou
le rock.

Quel est le profil des musiciens de l’Ensemble ?

P.R. : Chaque musicien doit accepter de n?être qu’une « touche du
piano ». C’est pour cette raison que nous ne cherchons pas à recruter parmi les
solistes les plus prestigieux des orchestres parisiens. Le musicien de
l’Ensemble doit pouvoir remettre en cause ses habitudes instrumentales. Il doit
aussi être coopté par les autres pupitres. Par ailleurs, il est intéressant
d’avoir des musiciens qui jouent également des instruments anciens, comme c’est
le cas avec nos deux violoncellistes, membres des Arts Florissants.

Comment se développe l’activité discographique de 2e2m ?

P.R. : Pour chaque compositeur en résidence, nous éditons un
enregistrement. Mais les labels disparaissent les uns après les autres. Je pense
que ce support est voué à une mort certaine. Il faut maintenant régler les
problèmes de droits pour développer le téléchargement. Nous devons anticiper ce
bouleversement.

Quel est l’ancrage de l’Ensemble au niveau local ?

P.R. : Notre mission est de travailler à la recherche et à la
fidélisation du public. Nous avons redéfini notre présence à Champigny, dont la
mairie est un partenaire de premier plan. Nous prévoyons ainsi un travail
renforcé dans les crèches, les écoles et un échange important avec le
Conservatoire. Par ailleurs, l’année prochaine, nous interviendrons dans un
quartier difficile de la ville. L’activité artistique a un impact fondamental
dans la vie de la cité. Notre relation avec le Val-de-Marne concerne cette année
la Biennale de la Danse. Et nous avons envie de collaborer avec le Mac/Val.
Enfin, nous accentuons notre travail plus globalement avec la région
Ile-de-France, et donnons quatre concerts au C.N.R. de Paris. Mais pour 2007, il
nous manque 30 000. Les trois tutelles donnent le même montant depuis vingt ans’
C’est pour cela que l’Ensemble en appelle au mécénat privé. Il faut préciser que
nous privilégions la gratuité pour nos concerts.

Propos recueillis par Antoine Pecqueur

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