La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -154-2e2m-focus

Pierre Roullier

Pierre Roullier - Critique sortie Classique / Opéra
Pierre Roullier

Publié le 10 janvier 2008

Un chef engagé

Le chef d’orchestre Pierre Roullier est le directeur artistique de l’Ensemble 2e2m. Il nous donne quelques clefs pour la saison 2007-2008.

« La création doit ouvrir la parole et l’oreille »
 
Comment la saison d’un ensemble comme 2e2m se construit-elle ?
 
Pierre Roullier : Il faut une attention soutenue aux territoires de diffusion. À l’international, notre ligne artistique croise celle du festival qui nous accueille : le plus souvent, nous sommes amenés à témoigner du répertoire français, et notamment des compositeurs qui sont ou ont été en résidence auprès de nous. À Paris et en Île-de-France, c’est différent : nous bénéficions d’un public fidélisé, mais nous devons en sensibiliser d’autres par des actions spécifiques, parallèlement à notre programmation. Ces actions sont multiples. Ainsi, dans le Val-de-Marne, nous travaillons dans les crèches, avec des enfants qui ne sont pas encore trop marqués par les médias et les goûts de leurs parents. Nous développons également un projet sur la vocalité avec des adolescents du quartier du Bois-l’Abbé à Champigny. Dans ces actions comme dans nos concerts, il est important que 2e2m témoigne de la même volonté d’excellence.
 
Quelle est la place du compositeur en résidence dans la saison ?
 
P.R. : Organiser une résidence est toujours subjectif et comporte nécessairement des risques, même s’il y a une constante : il ne s’agit pas d’un compositeur déjà très reconnu – il n’aurait pas besoin d’un focus de notre part – mais d’une forte personnalité émergente au métier déjà assuré car il faut pouvoir présenter une œuvre suffisamment mûrie et cohérente. . Une fois choisi, il nous revient ensuite de tenter d’éclairer son œuvre, prise sous les angles les plus divers possible, à la lumière de notre répertoire (depuis Messiaen ou Scelsi jusqu’à la jeune génération).. Quand, par la suite, d’autres structures prennent le relais de notre action de résidence (c’est le cas par exemple pour Laurent Martin ou Oscar Strasnoy), nous pouvons considérer que nous avons rempli notre mission, et nous éprouvons ainsi la satisfaction d’avoir fait découvrir des compositeurs tels que Mark André, Pascal Dusapin ou Franco Donatoni, que nous avons été les premiers à jouer régulièrement en France.
 
Quelle est la thématique, cette année, autour de la musique de Franck Bedrossian ?
 
P.R. : Franck Bedrossian travaille sur la saturation du son. Plutôt que de le confronter à d’autres œuvres qui auraient la même apparence, nous tentons d’autres rapprochements, en nous demandant d’où vient cette musique : à la fois de Gérard Grisey, d’Helmut Lachenmann, de Philippe Leroux… La création doit ouvrir la parole et l’oreille. Une saison doit être audible et permettre ces cheminements à l’intérieur de l’histoire de la musique. Notre mission est un peu la même que celle d’ une galerie : exposer des pièces et leur donner un sens.
 
Les représentations scéniques sont désormais une partie importante de l’activité de l’ensemble.
 
P.R. : C’est une nécessité, en cette époque de mixité, que la musique ne soit pas jalouse d’elle-même. Il est important d’aller vers des endroits où la musique a une vie, une économie différentes. L’opéra d’Alexandros Markéas, Outsider, qui sera créé en mars, s’inscrit dans un projet mené depuis plusieurs années avec la Péniche Opéra. Quant à Cantatrix sopranica L. d’Arnaud Petit d’après Georges Pérec, il s’agit typiquement du genre de production que nous souhaitons faire tourner. Cette œuvre n’a de sens que si elle continue à vivre après sa création. Le cas de L’Épanchement d’Écho est intéressant. Ce pari risqué – ajouter une dimension chorégraphique à une musique déjà très riche – a depuis lors donné l’envie à Gérard Pesson et Daniel Dobbels de travailler de nouveau sur un projet commun, mais inversé cette fois-ci, la musique venant se superposer à une chorégraphie préexistante. C’est ainsi que se crée le destin des œuvres…
 

Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun


A propos de l'événement



x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur la musique classique

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Classique / l'Opéra