La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

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Franck Bedrossian

Franck Bedrossian - Critique sortie Classique / Opéra
Photo : Philippe Gontier

Publié le 10 janvier 2008

La jouissance du son

Agé de trente-six ans, le compositeur français se distingue par un langage musical brut et engagé. Il est en résidence cette saison auprès de l’Ensemble 2e2m.

Avec ses nuances extrêmes et ses sonorités puissantes, la musique de Franck Bedrossian ne laisse pas indifférent. Le compositeur est-il à l’image de son œuvre ? Joint par téléphone depuis Rome, où il est en résidence à la Villa Médicis, le compositeur se montre posé et précis. Moins déchaîné que ses œuvres… Et pourtant, son écriture hybride puise directement dans sa trajectoire personnelle. « J’ai commencé le piano à l’âge de six ans en suivant un apprentissage classique de conservatoire. En même temps, j’étais un fan de disques de jazz et de rock. J’étais donc confronté à deux mondes antinomiques ». Ce « cheminement parallèle » aboutit à la découverte capitale de la musique contemporaine. « Les œuvres de Murail, Xenakis, Grisey m’ont permis de faire le lien entre les deux cultures. J’ai compris que le phénomène sonore était au centre de l’écriture musicale ». Agé d’à peine dix-huit ans, le musicien vient alors de trouver le credo qui, jusqu’à aujourd’hui, le guide dans son processus de création. Influencé par la mouvance spectrale, Bedrossian intègre la classe de Gérard Grisey, figure majeure de ce courant, au CNSM de Paris. Mais, deux mois après son admission, le professeur décède. « Un choc très déstabilisant. J’ai peu écrit ensuite, sans doute à cause de cela ».
 
« Musique sous haute tension »
 
Au Conservatoire, l’apprenti compositeur découvre la pratique de l’électroacoustique, qui marquera son langage. Autre étape significative : son passage à l’Ircam, où il tente de « développer un rapport créatif avec la machine, de lui imprimer sa signature ». Mais, si Franck Bedrossian est aujourd’hui une figure reconnue dans le club fermé des compositeurs, c’est en grande partie grâce à 2e2m. A l’un de ses examens au CNSM se trouve dans le jury un certain Paul Méfano, fondateur de l’ensemble. Deux mois après, le compositeur reçoit une lettre lui proposant d’être joué par 2e2m. « Ce sont les premiers à m’avoir programmé dans un cadre professionnel. Ils m’ont fait confiance et ne m’ont pas laissé tombé après. » En 2004, l’ensemble lui passe la commande d’une pièce, It, déterminante dans sa carrière. Cette partition montre combien Bedrossian, à l’instar d’un autre compositeur, Raphaël Cendo, développe un rapport au son presque physique. « Je recherche un investissement corporel jusqu’au-boutiste de l’interprète. Il doit y avoir une folie qui va au-delà du texte musical. C’est une musique sous haute tension ». Si on pense parfois au rock en écoutant certaines de ses œuvres, cela vient sans doute de l’essence brute propre à cette musique. Revendiquant un plaisir violent, la musique de Bedrossian est aujourd’hui l’une des écritures les plus en phase avec le monde qui nous entoure.

Antoine Pecqueur

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