La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -269-Opéra Royal du Château de Versailles

PASSION BAROQUE

PASSION BAROQUE - Critique sortie Classique / Opéra Versailles Opéra Royal du Château de Versailles
Laurent Brunner © Patrick Messina

ENTRETIEN / LAURENT BRUNNER

Publié le 22 septembre 2018 - N° 269

La saison 2018/2019 est placée sous le signe d’un anniversaire marquant : en 2009, l’Opéra Royal restauré a réouvert ses portes au public. Rencontre avec le directeur artistique de Château de Versailles Spectacles, à la tête de la programmation depuis dix ans.

« Il faut ressusciter des œuvres significatives. »

De ces dix ans, de quoi êtes-vous le plus fier ?

Laurent Brunner : D’avoir fait exister un nouvel opéra en France, car si le bâtiment a été construit à la fin du règne de Louis XV, il a très peu servi. Quand je l’ai trouvé en 2009 à l’issue d’une campagne de travaux de mise en sécurité, il n’était pas doté de budget pour programmer des spectacles, sa vocation principale étant d’être un musée. Aujourd’hui, nous donnons une centaine de représentations avec plus de 10 productions scéniques, des artistes de grandes renommée… Finalement il existe un nouvel opéra en France et ce, sans subventions.

Votre modèle est en effet entièrement privé. Comment est-ce que cela fonctionne ?

L. B. : Je dirige la filiale qui s’occupe de l’ensemble des spectacles. Comme toute entreprise, nous essayons de faire cohabiter plusieurs projets qui vivent avec des rythmes et des équilibres spécifiques : les Grandes eaux, le Grand bal masqué, de grands spectacles sur des gradins et d’autres projets comparables qui, globalement, rapportent plus qu’ils ne coûtent. Les marges dégagées servent d’amortisseurs aux spectacles musicaux et lyriques.

Comment est née la spécificité baroque de votre programmation ?

L. B. : La plupart des opéras en France programment des œuvres des XIXe et XXe siècles, soit le répertoire romantique et post-romantique, et, pour la période ancienne, Mozart. L’Opéra de Versailles n’est pas un théâtre de ville, nous ne nous adressons pas spécifiquement aux Versaillais mais aux franciliens et aux touristes. Nous n’avons donc pas cette contrainte de magnifier un répertoire universel, et comme notre lieu est un des rares théâtres anciens au monde, nous programmons le répertoire qui correspond le mieux à ce bâtiment d’un point de vue esthétique et acoustique, et que les autres ne proposent que très rarement : le baroque. Cela correspond aux attentes du public d’aujourd’hui qui a appris en 30 ou 40 ans à connaître ces musiques.

Cette saison est marquée par La Finta Pazza de Sacrati et Tarare de Salieri. Pouvez-vous en dire quelques mots ?

L. B. : La Finta Pazza a été le premier opéra donné à la Cour de France en 1645. C’est probablement aussi le premier opéra entendu par Louis XIV enfant, avec des ajouts des ballets d’autruches pour susciter son intérêt. Cette œuvre a laissé une trace très forte en France auprès d’un public qui ne connaissait pas du tout l’opéra et n’a sans doute jamais été rejouée. Leonardo García Alarcón va le diriger : c’est son répertoire, il le fait très bien. Tarare a été redécouvert en 1989 pour le bicentenaire de la Révolution, sous la direction de Jean-Claude Malgoire. C’est le seul livret écrit par Beaumarchais, sur une musique de Salieri qui est à l’époque le musicien le plus en vue à Paris. L’œuvre se révèle très prémonitoire sur la Révolution mais aussi sur Napoléon. Après un énorme succès, elle a ensuite disparu du fait des nouvelles modes : Rossini, Meyerbeer… Parmi les raretés, nous programmerons aussi Issé de Destouches ; je pourrais en citer 15 autres mais tout cela n’est pas pour le seul plaisir d’exhumer des œuvres méconnues. Il faut ressusciter des œuvres significatives, qui peuvent avoir constitué à leur époque une charnière historique ou artistique.

Quels terrains restent à conquérir ?

L. B. : La notion de cérémonial. La majorité des œuvres étaient créées pour des occasions spécifiques avec un lieu, un décorum, une musique. Ce qu’on a joué pour évoquer les funérailles de Louis XIV ou ce qu’on jouera pour évoquer son sacre, lors du concert des 14 et 15 juin 2019, représente plus qu’une musique jouée pour un concert, car c’est tout un contexte que l’on restitue. C’est un point de modernité qui se révèle.

 

Propos recueillis par Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

Opéra Royal du Château de Versailles
4 avenue de Paris, 78000 Versailles.

Tél : 01 30 83 78 89.

www.chateauversailles-spectacles.fr

x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur la musique classique

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Classique / l'Opéra