Suspendre le vertige du monde
Mathurin Bolze est acrobate voltigeur, Hedi Thabet, unijambiste acrobate. Avec Ali, « Pièce pour quatre béquilles, trois jambes, deux têtes et une chaise », ils réinventent le vocabulaire de la rencontre, dans un duo espiègle et complice qui laisse bruire cet impalpable du lien à l’autre, à soi dans l’autre. Avec Du goudron et des plumes, pièce pour cinq circassiens en cours de création, Mathurin Bolze explore l’espace mouvant d’un rêve en suspension.
« Ali, c’est aussi une histoire d’amitié. »
Quels furent les chemins de la rencontre avec Hédi Thabet ?
Mathurin Bolze : Depuis longtemps, nous nous regardions, de loin, amicalement, grandir dans nos devenirs de circassiens. Son opération nous a rapprochés. Est né le désir d’une rencontre physique, d’une confrontation, en actes, à la réalité de nos différences, de nos ressemblances. J’avais la curiosité de son corps étrange. Hédi est une question ambulante, de par son centre de gravité, sa manière de se déplacer, de penser une intégrité du corps. Ali, c’est aussi une histoire d’amitié.
Du goudron et des plumes : le titre de votre nouvelle création pose déjà une énigme…
M. B. : Ce titre est venu par des sensations de matières, de lumières, d’états – « noir », « blanc », « lourd », « léger », « lent »… Par son mystère, sa poésie, il me paraissait ouvrir un champ d’expérimentation et offrir plusieurs pistes de travail que nous pourrions explorer à même le plateau. La scénographie, constituée essentiellement d’un plancher mobile, évoque un îlot ou un monde suspendu, tantôt stable, bien ancré, tantôt flottant, oscillant à tout vent. Dans cet espace en métamorphoses, se trouvent cinq personnes qui, peut-être, ont en commun d’être déracinées, ou exilées, avec l’espoir d’une nouvelle aventure humaine.
Comment travaillez-vous le cirque dans cet espace-là ?
M. B. : Le décor ne comprend pas d’agrès de cirque classique mais dessine la dramaturgie par ses transformations. Le spectacle s’écrit à travers l’expérience de ce lieu et ses potentialités. Les techniques de cirque sont utilisées comme moyen d’une physicalité expressive, d’une exploration de la verticalité, de la gravité, du vertige, de l’instabilité, d’une grande présence au monde.
Entretien réalisé par Gwénola David
Ali, les 16 et 17 octobre 2009 à 21h et Du goudron et des plumes, les 28 et 29 mai 2010 à 21h.