La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -202-Opéra de Paris

Les enfants cruels

Les enfants cruels - Critique sortie Classique / Opéra Paris Palais Garnier
photo : L’Enfant et les sortilèges de Maurice Ravel dans la production de Richard Jones. CREDIT : Opéra national de Paris/ Ch. Leiber

Opéra / Palais Garnier
Mise en scène Richard Jones

Publié le 1 octobre 2012 - N° 202

Deux opéras des années 1920 pour une même soirée peuplée de personnages insolites évoluant dans un monde fantastique : L’Enfant et les sortilèges de Ravel et Le Nain de Zemlinsky.

Mal à l’aise en société et peu sûrs d’eux, Ravel comme Zemlinsky étaient complexés par leur petite taille. C’est au travers de livrets fantastiques qu’ils ont pu exprimer leur appréhension du monde des adultes, dans deux courts opéras que le Palais Garnier présente à nouveau sur scène lors d’une même soirée. Le Nain de Zemlinsky est un conte d’Oscar Wilde où un petit homme difforme qui se croit beau est offert à une Infante comme cadeau d’anniversaire. Jouet pathétique mais magnifié par le chant, le rôle-titre bénéficie d’une partition expressive pleine d’un charme décadent et mystérieux comme beaucoup d’œuvres allemandes du début du XXème siècle. Sa chanson évocatrice Jeune fille, prends l’orange sanguine annonce le sort que lui réserve Donna Clara, l’Infante gâtée et insensible. Béatrice Uria-Monzon prête sa voix à la tendre Ghita, en effectuant une nouvelle incursion dans le répertoire de soprano. Moins cynique mais plus fantastique encore, L’Enfant et les sortilèges de Ravel est un opéra d’une étrangeté extrême qui n’a jamais quitté le grand répertoire depuis sa création en 1925.

Délirant et audacieux

Le livret délirant et audacieux de Colette compte pour beaucoup dans le succès d’une histoire qui paraît encore aujourd’hui avant-gardiste, où les objets s’animent et où des personnages aussi improbables qu’un Arbre ou l’Arithmétique se mettent à chanter. La fantaisie sans limite des apparitions à prendre au premier degré enchante le spectateur de tout âge. Ce monde où l’humain est minuscule et désemparé face au déferlement incontrôlable des objets, et où les chères bêtes martyrisées constituent finalement la seule porte d’un salut inespéré, semble également être le reflet de notre monde actuel. La distribution réunie sous la baguette de Paul Daniel fait la part belle à la jeune génération de chanteurs francophones : Gaëlle Méchaly, bien connue des amateurs de musique baroque, incarne L’Enfant, tandis qu’Amel Brahim-Djelloul, originaire d’Algérie et formée au CNSMD de Paris, chantela Princesse, et qu’Alexandre Duhamel est l’Horloge comtoise et le Chat. Le spectacle imaginatif et bariolé de Richard Jones n’élude jamais le fantastique des deux œuvres. On évite ainsi l’écueil du décor unique, solution trop systématiquement utilisée pour unifier des œuvres qui n’ont pas besoin de l’être. Le personnage du Nain est doublé par une marionnette que manipule le ténor lui-même, faite à l’effigie de celui qui interprète le rôle-titre, Charles Workman, nouveau venu dans cette production. La deuxième partie de soirée est beaucoup moins inquiétante et n’hésite pas à multiplier les gags, même dans les moments les plus merveilleux.

 A.-T. Nguyen

A propos de l'événement

Les enfants cruels
du mercredi 23 janvier 2013 au mercredi 13 février 2013
Palais Garnier
Place de l’Opéra, 75009 Paris

Du 23 janvier au 13 février 2013 à 19h30 au Palais Garnier. Tél : 08 92 89 90 90.
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