La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -195-THEATRE NATIONAL DE TOULOUSE – MIDI-PYRENEES

LAURENT PELLY

LAURENT PELLY - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 février 2012

MACBETH EN SON LABYRINTHE ABSURDE

LAURENT PELLY, CODIRECTEUR DU TNT, MET EN SCENE MACBETH, PIECE PHARE DU DEUXIEME VOLET DE LA SAISON DU CDN TOULOUSAIN.

« Le pouvoir apparaît comme une entité fantasmagorique. » Laurent Pelly
 
Pourquoi cette seconde thématique sur l’ivresse du pouvoir ?
Laurent Pelly : En général, nous organisons les thématiques en fonction de nos créations, ou autour de certains spectacles invités. Avec Macbeth, l’occasion était trop belle, en cette période d’élections où on parle beaucoup du pouvoir et de politique. A l’origine, je voulais monter Ubu. Je me suis intéressé à Macbeth parce que c’est la même histoire. Mais monter Ubu dans la grande salle, devant mille personnes, s’avérait compliqué. J’avais pensé monter les deux pièces, mais finalement, je me suis contenté de Macbeth. Enfin… « contenté », si on peut dire, parce que c’est une des plus grandes pièces du répertoire, énorme en soi !
 
Que voulez-vous dire sur le pouvoir à l’occasion de cette mise en scène ?
L. P. : J’avais envie de traiter l’idée du pouvoir par le chemin d’Ubu, c’est-à-dire par l’absurde. Dans Macbeth, le pouvoir est à la fois brutal, vain et immédiat. Il s’agissait donc d’éviter la psychologie, et de jouer la pièce comme quelque chose de brutal, d’animal. Le pouvoir appelle le pouvoir : la pièce montre davantage le désir que l’exercice du pouvoir. Il apparaît comme une entité fantasmagorique. Macbeth est ivre de pouvoir parce qu’il veut le garder. De là naît l’engrenage du crime. De là naît aussi l’absurde de la situation. La pièce démarre à une vitesse inouïe : les sorcières disent à Macbeth qu’il peut s’accrocher à son rêve et il y croit. En même temps, c’est un personnage d’une incroyable brutalité, et ce, dès les premières scènes, quand il est dit comme il a traversé les armées pour éventrer le chef des rebelles.
 
Pourquoi Macbeth veut-il le pouvoir ?
L. P. : La pièce illustre le côté vain et dérisoire du pouvoir. Si j’ai choisi cette pièce c’est parce que je ne sais pas répondre à la question de la finalité du pouvoir, et que Shakespeare n’y répond pas non plus. J’ai voulu considérer que les personnages sont les images d’un cauchemar, en travaillant à travers le regard de Macbeth, comme s’il subissait cette histoire, comme si elle était son cauchemar. Cela ne m’intéresse pas d’interroger les raisons biographiques ou psychologiques des actes des personnages : il s’agit de les prendre comme des valeurs poétiques plutôt que d’expliciter leur psychologie. Je veux ouvrir des portes et non pas donner des réponses. Quand on aborde un monstre comme celui-là, tout ce qu’on peut penser est contredit très vite. Les pièces de Shakespeare ont cette particularité : on a l’impression qu’elles nous appartiennent, on se sent très proche et complice de ce qu’il écrit, et en même temps, elles apparaissent comme des montagnes infranchissables : on est tout le temps dans cet écart-là.
 
Quelle scénographie avez-vous choisie ?
L. P. : Je déteste imposer des concepts aux œuvres. Il s’agit d’abord de lire la pièce et, ensuite seulement, de faire des choix scéniques. Pour Macbeth, l’idée du labyrinthe est venue très vite. Ce labyrinthe est à la fois forteresse, château, quelque chose de très brutal, moyenâgeux, mais, en même temps, très contemporain. Il illustre l’idée paranoïaque du mur, de l’ennemi, du territoire, de l’étrange, de l’enfermement obsessionnel, du danger, et crée de la tension. C’est la première fois que j’élabore une scénographie : je crois qu’il faut que le décor crée du jeu et ne soit pas seulement l’occasion de composer de belles images. Dans l’espace ainsi créé, la guerre dont on parle tout le temps paraît dérisoire, le pouvoir semble dérisoire, et Macbeth est comme un enfant enfermé dans son cauchemar.
 
Quels comédiens avez-vous choisis ?
L. P. : C’est Thierry Hancisse, avec qui j’avais fait L’Opéra de quat’sous au Français, qui joue Macbeth. Thierry a la capacité de passer d’une grande naïveté, presque enfantine, à une gravité très profonde. Il est à la fois adulte et enfant, et je trouve que ça convenait parfaitement au rôle. Et pour jouer ça, techniquement, il faut être une bête ! Macbeth est aussi un monstre à ce niveau ! Lady Macbeth, c’est Marie-Sophie Ferdane, qui jouait aussi dans L’Opéra de quat’sous. C’est une comédienne qui a une grande énergie, une noirceur en elle, une folie et en même temps une capacité d’émotion liée à l’enfance. Le couple marche très bien et de manière immédiate. Quant aux autres comédiens, j’ai beaucoup travaillé avec eux. J’aime bien travailler avec une équipe d’acteurs en compagnie de laquelle je suis un chemin. Enfin, de jeunes comédiens de l’Atelier Volant du Théâtre National de Toulouse nous ont rejoints.


Propos recueillis par Catherine Robert


Macbeth, de William Shakespeare ; mise en scène de Laurent Pelly. Du 29 février au 24 mars 2012.

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