La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -195-THEATRE NATIONAL DE TOULOUSE – MIDI-PYRENEES

THOMAS OSTERMEIER

THOMAS OSTERMEIER - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 février 2012

LECTURE POLITIQUE DE LA JALOUSIE

THOMAS OSTERMEIER S’EMPARE DU JALOUX OTHELLO ET MET EN SCENE LA TRAGEDIE D’UNE SOCIETE FAUSSEMENT OUVERTE ET TOLERANTE.

«Pour moi, Othello est une tragédie d’amour mais aussi une pièce politique et sociale. Othello est un étranger dans une société où règne l’élite de l’aristocratie vénitienne. Il acquiert le statut de gouverneur de Chypre à force de luttes et de combats, mais n’arrive pas à se croire légitime pour épouser une fille des classes dominantes. La question essentielle pour lui est : puis-je avoir confiance dans mon bonheur après cette vie traversée de tant de violences ? Pour moi, le grand jaloux dans cette pièce n’est pas Othello, mais Iago. En effet, il réagit comme un homme éconduit dans une relation amoureuse. Je le crois réellement amoureux d’Othello. Mais ce dernier choisit Cassio pour officier, sans doute parce que Iago est un étranger lui aussi : il est espagnol. Il y a là une véritable trahison dans le combat social pour le pouvoir et la conséquence d’un racisme insidieux.

Une pièce politique
 
La société vénitienne dit qu’elle n’est pas raciste, ce qui est vrai puisqu’elle permet à Othello de devenir gouverneur de Chypre. Mais à l’image de notre société européenne, le racisme sourd sous un discours de tolérance et d’ouverture. Et il ressurgit à l’occasion de luttes sociales, de crises politiques ou économiques. Mais ce racisme est aussi intériorisé par Othello. Pourquoi ne parle-t-il pas à Desdémone ? Pourquoi ne lui fait-il pas confiance ? Parce que sa vie s’est construite dans la lutte violente contre l’exclusion, si bien qu’il ne peut croire à son bonheur. Sa classe est à jamais inscrite dans son visage. Les rapports, dans Othello, reflètent une hiérarchisation sociale très militaire et une domination masculine qui sont encore de mise. Comme aujourd’hui, certains font des guerres pour des raisons économiques, et excluent des catégories de population pour garder le pouvoir entre leurs mains. Et l’on avance toujours les mêmes explications politiques, où les forts condamnent les faibles, quand, par exemple, on rejette sur l’Afrique la responsabilité des inégalités économiques dont elle est victime.»

Propos recueillis par Eric Demey


Othello, de William Shakespeare ; mise en scène de Thomas Ostermeier. Les 3 et 4 février 2012.

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