LA PRINCESSE DE CLEVES : ELOGE DE LA LIBERTE INTERIEURE
Grande défenseuse de la cause des femmes, Laure Adler considère La Princesse de Clèves comme un objet de ressourcement, de révolte et de compréhension de soi-même. S’opposant aux déclarations de Nicolas Sarkozy sur le roman de Madame de La Fayette, la journaliste-écrivaine invite chacun d’entre nous à (re)lire ce texte « mystérieux et inépuisable ».
« La Princesse de Clèves est un texte de mise en mise en abyme de la littérature, un texte très complexe qui comporte en son sein plusieurs textes, plusieurs langues, plusieurs temporalités, plusieurs manières de raconter une passion. Il s’agit également d’un traité sur la manière dont la puissance des mots peut parvenir à éloigner des tourments. C’est un texte enchâssé, secret, mystérieux et inépuisable, un texte qui résiste, qui comporte plusieurs cœurs battants de sensations et d’émotions. Un texte sur les limites de la transgression, une méditation intérieure, un traité de vertu, un éloge de la force que possède la liberté, la liberté intérieure, celle que nous possédons tous, qui nous permet de rêver, de penser, d’être en accord avec nous-mêmes.
Un roman sur la liberté, l’indépendance et l’insoumission
La Princesse de Clèves est un roman politique au sens où il nous interpelle tous, quel que soit notre âge, notre sexe ou notre classe sociale : il dit les limites et se cogne à elles, dit notre finitude humaine mais aussi notre capacité à dire non. Non à l’infériorité, non à l’inégalité, non à ce que l’on attend de nous : rester dans le rang. Il s’agit d’un écrit sauvage, universel, que chacun peut comprendre à sa façon. Chacun possède sa propre Princesse de Clèves dans son cœur, une femme qui écoute sa voix intérieure, une femme que rien ne fera dévier de ce qu’elle croit être son destin : sa liberté ou la mort. Car la Princesse de Clèves préfère renoncer aux vanités du monde plutôt que de se compromettre. Je crois qu’il faut savoir gré à notre président de la République, à travers ses déclarations, d’avoir fait autant de publicité à ce texte vénéneux qui nous fait pâmer de désir, de volupté, à ce texte qui nous permet de croire à la force que possède l’esprit d’insoumission. »
Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat