La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

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François Verret : La philosophie vivante d’un chorégraphe

François Verret : La philosophie vivante d’un chorégraphe - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 juin 2007

François Verret monte Ice, une écriture scénique inspirée de l’?uvre
éponyme de la grande voyageuse anglaise et héroïnomane Anna Kavan.


Vous travaillez à rouvrir un champ de possibles résistant à l’emprise de la
glace qui contamine toutes les échelles du réel.

François Verret : La glace est une métaphore qui se réinterroge sans
cesse sur la multiplicité des endroits où elle opère. Sous les apparences
d’écoute, d’ouverture à l’autre, de partage, de chaleur, ne s’imposent que le
froid calcul, l’intérêt, l’indifférence. La glaciation est tangible en
politique, en économie et dans bien d’autres domaines jusque dans les régions
les plus intimes de nos vies. Elle correspond aujourd’hui à cette perte de
consistance de la pensée et du sens, à cette course absurde et effrénée au rien.
C’est le geste compulsif de vouloir échapper à un temps de gratuité, de doute,
de surprise, un temps non programmé.

Une occasion nouvelle de se mettre en mouvement avec vos partenaires ?

F. V. : L’invention d’une écriture scénique est liée à notre expérience
de vie, celle-ci a trait à la proximité du tragique qui sévit au c’ur même de la
cité, de la communauté. Nous essayons de déjouer quelque chose de ce processus
présumé fatal de rétrécissement de la question : « comment vivre pleinement » ?
Notre travail ne consiste pas à figurer quoi que ce soit, mais à nous interroger
en actes, devant l’imminence d’une catastrophe : Ice? so what ? Que
faisons-nous de notre temps présent ? Comment conjurer la sensation d’irréalité
que nous éprouvons dans le monde où nous vivons ? Être en état de présence aiguë
aux contradictions du monde, rester sensible aux différents niveaux de sens qui
en émanent, voilà ce dont nous sommes dépositaires sur un plateau. Nous
cherchons à éviter la raideur, le dogme, la pseudo-certitude de la langue de la
marchandise, l’enfermement qui y a trait. Il s’agit d’inventer de nouvelles
lignes de fuite qui rouvrent l’espace du doute et révèlent la précarité de
l’humain. La danse, cet art du détour, a mystérieusement à voir avec tout ça.

« Eviter la raideur, le dogme, la pseudo-certitude de la langue de
la marchandise. »

Sont-ce le processus et la recherche qui importent scéniquement ?

F. V. : Je suis empirique. Je n?ai pas de vision prédéterminée de ce à
quoi je voudrais qu’on arrive, j’ai simplement besoin de choisir l’endroit
précis où l’on commence, puis de me dédier inlassablement avec d’autres à une
succession d’expériences, une multitude d’essais d’où une forme finit par
prendre corps. Notre travail quotidien a à voir avec l’expérience de la
modernité dont parle Salman Rushdie, « l’exploration permanente de l’espace
du doute »
.

Propos recueillis par Véronique Hotte

Ice, inspiré d’Anna Kavan ; chorégraphie de François Verret. Du 12
au 23 mars 2008 à 20h30 ; le dimanche à 15h30.

A propos de l'événement



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