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Entretien Declan Donnellan

Entretien Declan Donnellan - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 octobre 2008

Andromaque : un enfant dans la tourmente

Le champ de bataille de la Guerre de Troie fume encore. L’intrigue d’Andromaque de Racine met en scène la nouvelle génération. Les personnages, hantés par les héros glorieux, brûlent de passion. Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector, tué par Achille, père de Pyrrhus. Les Grecs réclament la mort d’Astyanax, fils d’Andromaque et Hector. Avec des acteurs français, Declan Donnellan s’empare de la tragédie avec son habituelle audace, libre et rigoureuse, fouillant la vérité des relations au-delà des faux-semblants, des artifices et des masques.

Quand avez-vous découvert Racine ? Comment avez-vous abordé cette belle langue racinienne ?
 
Cela a été un grand honneur pour nous de présenter la première britannique d’Andromaque en 1985, après plus de trois cents ans ! J’ai découvert Andromaque au lycée grâce à un brillant professeur. J’ai immédiatement été saisi par sa dualité essentielle. La beauté et la rigueur de l’alexandrin tentent d’imposer un contrôle sur le chaos et les passions qui brûlent sous la surface. Tentent mais échouent, échouent glorieusement car nous sommes inévitablement voués à l’échec lorsque nous nous efforçons de maîtriser et soumettre la nature. Tous les personnages sont déchirés par de violentes émotions.
 
Sont-ils davantage prisonniers de la passion amoureuse ou de l’héritage de pères et mères héroïques lors de la terrible guerre de Troie ?
 
Chacun des personnages est l’enfant d’un héros et chacun vit dans l’ombre de ses parents. A première vue, cela ressemble à une histoire étrange, issue d’une situation étrange qui n’a rien à voir avec la façon nous nous vivons aujourd’hui. Un enfant qui risque ou pas d’être sacrifié, des figures parentales obsédées par leurs droits à une vie amoureuse heureuse, davantage intéressés par leur famille morte que par l’enfant vivant en chair et en os, respirant à côté d’eux. Des gens qui ne font aucune distinction entre l’amour et l’attachement, qui ne veulent pas vraiment grandir. Pour moi le personnage central, c’est Astyanax. La question essentielle est sera-t-il exécuté ou non. Or tous les personnages paraissent accorder plus d’importance à leurs passions qu’à l’enfant.
 
 « Tous les personnages paraissent accorder plus d’importance à leurs passions qu’à l’enfant. »

Dans vos mises en scène de Shakespeare vous soulignez la juxtaposition du comique et du tragique, l’ambivalence des personnages. Dans Andromaque, retrouvez-vous cette frontière mouvante entre comédie et tragédie ?
 
Il est impossible de séparer le tragique du comique, le sacré du profane ! La tragédie délimite une ligne subtile entre le rire et les larmes et Racine parcourt cette ligne en expert aussi avisé que Shakespeare. Feydeau peut être triste : que ça lui plaise ou non, il ne peut prétendre que l’adultère et le divorce soient seulement drôles. De la même façon, dès que Corneille parle d’honneur, il doit suggérer, quelque part, la possibilité de la honte. C’est une bien triste illusion, un leurre de penser que comédie et tragédie peuvent être séparés. Il n’y a pas de vie sans la mort, pas d’amour sans séparation. Si je pouvais changer cette règle, je le ferais ! Mais nous ne maîtrisons rien, et la mort nous avale tous à la fin.  
Propos recueillis et traduits par Agnès Santi


Andromaque de Racine, mise en scène Declan Donnellan, du 1er au 4 octobre

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