La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

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Emmanuel Demarcy-Mota

Emmanuel Demarcy-Mota - Critique sortie Théâtre
Photo crédit photo Jean-Louis Fernandez Tanto amor desperdiçado (Peine d’amours perdues) mise en scène de Emmanuel Demarcy-Mota, création bilingue en français et portugais avec le Teatro Nacional de Lisbonne.

Publié le 10 novembre 2007

Défense et illustration des langues en Europe.

Les nouvelles étapes s’enchaînent dans la vie du CDN de la Comédie de Reims, où Emmanuel Demarcy-Mota ouvre L’Atelier, lieu de prédilection culturelle qui accueille des artistes européens, et présente Tanto amor desperdiçado d’après Peine d’amours perdues de Shakespeare.

Comment l’Atelier de la Comédie a-t-il pu voir le jour ?
 
Emmanuel Demarcy-Mota : À mon arrivée à Reims en 2002, il m’a semblé nécessaire que le CDN ait une salle de répétitions. Le projet était d’en faire un lieu de création et de travail, de mise en place de résidences pour les auteurs et metteurs en scène. Avec une présence accrue des artistes impliqués dans la vie de la Comédie, qu’ils soient français ou bien étrangers, acteurs, metteurs en scène, auteurs, musiciens. Que chacun avec sa singularité entre en dialogue avec notre collectif artistique. Cette réflexion inclut les problématiques des publics aujourd’hui. La Comédie ne disposait que d’une salle de 900 places et d’une autre de 200 places. À présent, existe l’intermédiaire de 400 à 500 places. Certaines formes exigent cette jauge, en prise directe avec la création contemporaine.

La réalisation du projet a été relativement rapide.

E. D.-M. :
La Mairie de Reims, éclairée sur la question de l’art et de la culture, a racheté un hangar de construction des décors, devenu une maison conviviale avec un grand jardin extérieur, propice aux résidences d’artistes. Un lieu ouvert et partagé. L’achat du terrain a été réalisé en 2003 et la Comédie de Reims a eu la maîtrise de l’ouvrage. L’Etat, la Mairie et la Région ont financé les travaux qui ont commencé en 2005 pour s’achever en 2007. C’est un espace interne dans lequel le gradin se monte et se démonte. Il peut être enlevé, avec de grandes ouvertures sur l’extérieur, selon les nouveaux concepts d’espace. Cet Atelier réhabilité, une fabrique de théâtre et autres disciplines artistiques (musicales et chorégraphiques), s’inscrit dans la modernité.
 
« Que chacun avec sa singularité entre en dialogue avec notre collectif artistique. »
 
Quelle est la programmation du lieu ?

E.D.-M. :
À côté des productions françaises et des pratiques amateurs qui seront présentées en juin, sous l’égide des auteurs Fabrice Melquiot, David Lescot, Rémi de Vos, Lyonel Spycher …, nous mettons en place Scènes d’Europe dont l’enjeu est la découverte de metteurs en scène européens. Ainsi, Périclès de Shakespeare dans la mise en scène d’Antonio Latella avec les élèves de l’École des Maîtres. Un jeu physique, vocal et choral en italien, français, espagnol, portugais. Puis un spectacle en lituanien, Playing the victim de Oleg et Vladimir Presniakov, par l’énergie d’Oskaras Korsunovas. Un nouvel Hamlet proche du cabaret. Enfin, Léonce et Léna de Georg Büchner que monte dans sa langue un jeune artiste polonais, Michal Borczuch. Une satire acidulée sur notre époque envahie par le virtuel. Pour l’inauguration de l’Atelier, je présente Tanto amor desperdiçado, une création bilingue, un projet avec le Teatro nacional de Lisbonne sur Peine d’amour perdue.

Pourquoi avoir choisi cette pièce ?

E.D.-M. :
Peine d’amour perdue m’est apparue comme une évidence puisque Shakespeare invente la Princesse de France qui va en ambassade en Navarre, un sud imaginaire. Ces atmosphères d’un lieu à l’autre sont forcément différentes. Le dramaturge anglais imagine aussi un lord espagnol qui vient rejoindre la Cour. La pièce est divisée dramaturgiquement. Avec François Regnault, le traducteur français, j’ai conçu la France avec des Français, La Navarre avec des Portugais et l’Espagne avec un Portugais d’Espagne. Après six étapes de travail, la mise en scène a vu le jour à Lisbonne en version originale – en français et en portugais. D’une version à l’autre, le rapport physique à la langue diffère. Telles accentuations et tels rythmes imposent un espace et un temps autres, c’est la richesse de l’Europe des langues.

Vous avez été nommé à la direction du Théâtre de la Ville ? Comment envisagez-vous cette nouvelle fonction ?

E. D.-M. : 
La réussite de ma mission à la Comédie de Reims repose sur la création d’un collectif artistique – un auteur, un musicien, un scénographe, un collaborateur artistique et des acteurs associés. J’accompagne la saison à la Comédie jusqu’à ma création en juin de Wanted Petula de Melquiot. Je me donne jusqu’à février pour constituer l’équipe du Théâtre de la Ville avec des conseillers et des collaborateurs artistiques. Je procède à des étapes de réflexion sur divers axes : l’Europe, la question de la banlieue, celle des publics, celle du croisement des artistes et celle de l’intellectualité. Je crois aux acteurs et aux œuvres, à l’efficacité d’une culture en profondeur, loin du tape-à-l’oeil.

Propos recueillis par Véronique Hotte


 Tanto amor desperdiçadode Shakespeare, mise en scène Emmanuel Demarcy-Mota. Du 8 au 13 novembre 2007 à 2Oh30, jeudi à 19h30.

A propos de l'événement



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