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Michal Borczuch

Michal Borczuch - Critique sortie Théâtre
PHOTO Entre rire et effroi, Léonce et Léna dans la mise en scène du polonais Michal Borczuch. Crédit photo Krzysztof Bielinski

Publié le 10 novembre 2007

Une comédie sur le suicide

Le jeune metteur en scène polonais Michal Borczuch adapte et met en scène Léonce & Léna de Georg Büchner. Un spectacle satirique portant un regard tragi-comique sur la jeunesse polonaise d’aujourd’hui.

Qu’est-ce qui vous a décidé à mettre en scène Léonce & Léna ?

Michal Borczuch
: Mes premières expériences théâtrales étaient liées à l’univers comique. J’ai en effet mis en scène deux comédies polonaises, par le passé : une pièce contemporaine, Komponenty de Malgorzata Owsiany, et un classique romantique, Grand Homme pour de petites affaires d’Aleksander Fredro. Aujourd’hui, m’emparer de Léonce & Lena est une façon de poursuivre mon travail sur le genre comique.
 
Selon vous, à quel type de comédie appartient la pièce de Büchner ?

M. B.
: Pour moi, il s’agit d’une sorte de comédie sérieuse qui, à travers sa dimension grotesque, associe la réalité à un sens de l’humour surréaliste. Je dis souvent que Léonce & Léna est une comédie sur le suicide. Car ce texte navigue en permanence entre le rire et l’effroi. J’ai veillé à rendre compte de ces deux aspects tout en essayant de mettre particulièrement en lumière la vision de la mort qui se dégage de la pièce. Il est vraiment étrange et mystérieux qu’une comédie sur la jeunesse et l’amour mette en jeu autant de signes ayant trait à la destruction. Peut-être est-ce lié d’une façon ou d’une autre à l’existence courte et tragique de Georg Büchner… Cette caractéristique fondamentale de Léonce & Léna a d’ailleurs participé à nourrir ma réflexion personnelle sur la jeunesse.
 
 
Réflexion qui vous a mené à lier cette pièce à la société polonaise contemporaine…

M. B.
: Oui, car deux des principaux thèmes de la pièce de Büchner sont liés à des événements qui ont lieu, aujourd’hui, en Pologne. Premièrement : l’émigration de la jeunesse polonaise. Bien sûr, la fuite de Léonce, Léna et Valerio ne peut pas être assimilée à l’émigration massive des Polonais en direction de l’Angleterre. Mais il m’a semblé, par rapport à la situation de mon pays, qu’il pouvait être intéressant de montrer, de manière ironique, de jeunes gens partant de chez eux non pas pour trouver du travail, mais pour échapper au travail. Deuxièmement : des cas de suicide au sein d’écoles polonaises. Léna et ses amis parlent constamment de la mort. Léonce a essayé de mettre fin à ses jours. Tout cela me semble dépasser une simple vision satirique sur le mouvement romantique. Pour moi, cette thématique de destruction et de mort dans la vie des jeunes personnages est tout à fait sérieuse. A certains endroits, cette comédie se transforme en véritable texte métaphysique.
 
« Mettre en scène une pièce, c’est aussi faire valoir sur le plateau des visions différentes, voire incorrectes, de la vie et de l’amour »
 
Sous quel angle envisagez-vous la relation qui se crée entre Léonce et Léna ?

M. B.
: A mon sens, leur relation est un amour post-moderne, quelque chose qui arrive accidentellement, mais qui est plus de l’ordre de l’air du temps, de l’effet de mode, que de sentiments spontanés. Léonce et Léna tombent tous les deux amoureux pour combattre l’ennui de leur vie sociale et familiale.
 
Au sein de quel univers scénique votre spectacle prend-il corps ?

M. B.
: J’ai eu envie de faire entendre cette histoire à travers un mélange de styles théâtraux et de symboles de la “culture pop”. Cela afin de transformer le monde réel en quelque chose de surréaliste. Cet univers surréaliste surgit à partir des débris, des déchets de cette “culture pop” moderne et du monde du glamour. Il dépasse les choses du quotidien, de la réalité admise. Les histoires linéaires avec une morale bien tranchée ne m’intéressent pas. Au théâtre, j’aime le mystère. C’est pour cela que je tiens à saisir et révéler les moments au cours desquels la tragédie se transforme en comédie. Pour moi, mettre en scène une pièce, c’est aussi faire valoir sur le plateau des visions différentes, voire incorrectes, de la vie et de l’amour.
 
Vous avez été l’élève et l’assistant de Krystian Lupa. Que vous a-t-il transmis ?

M. B.
: La chose la plus importante que j’ai apprise de lui est que le théâtre n’a pas de limites, qu’un metteur en scène — s’il souhaite créer quelque chose de vrai et de nouveau — doit être totalement ouvert, y compris aux instincts les plus bruts, les plus primitifs. Pour Krystian Lupa, ces instincts sont bien plus importants que les trouvailles de répétition et les effets de scène.
 
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat


Léonce & Léna (spectacle en polonais, surtitré), de Georg Büchner, mise en scène et adaptation de Michal Borczuch. Les 23 et 24 novembre à 20h30.

A propos de l'événement



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