O Mensch !
Pascal Dusapin met en scène et en musique les [...]
Focus -203-Automne en Normandie
Roméo et Juliette incarnent l’amour innocent sacrifié dans le sang. Le metteur en scène David Bobee décape le mythe et libère toute la puissance de cette histoire brûlante.
Quelle est la tragédie de Roméo et Juliette ?
David Bobee : Elle est de vivre dans une société de clans, où les jeunes se trouvent embrigadés dans des haines perdurant depuis des générations, et s’attaquent entre eux au lieu de canaliser leur colère contre ce qui les oppresse. L’identité se définit par l’appartenance, s’affirme par la violence, la vengeance, l’intolérance. Roméo et Juliette transgressent ces lois par leur amour, s’émancipent de la tradition de leurs parents. Leur tragédie m’évoque ce qu’on peut observer aujourd’hui dans les périphéries, où les jeunes brûlent leur propre quartier, où se produisent des crimes d’honneur et des règlements de compte entre bandes, où des populations déracinées, désœuvrées, humiliées, cèdent au repli identitaire. Shakespeare saisit dans son théâtre l’émergence de l’individu qui se produit à la Renaissance et la rupture avec un système hérité de la féodalité où priment le groupe et la filiation. Aujourd’hui, l’identité est complexe, fragmentée, et pose question.
Les minorités et la diversité s’inscrivent d’ailleurs très concrètement sur le plateau.
D. B. : La scène ressemble à la réalité de notre pays, elle croise plusieurs techniques et disciplines, mêle des artistes de différentes cultures et origines, des acteurs, danseurs et circassiens. Les frontières du monde sont de plus en plus poreuses, mouvantes. Le théâtre doit être un art populaire, en dialogue avec son époque, invitant le spectateur au plaisir et à la pensée critique.
Qu’apporte la nouvelle traduction de Pascal Collin ?
D. B. : Elle retrouve l’impact et la force poétique de la langue Shakespeare en son temps, dégage le texte du poids de l’Histoire. Car mon dessein est avant tout de mettre en scène l’histoire de ces deux adolescents, leur passion folle, et non le mythe qu’ils sont devenus.
Propos recueillis par Gwénola David
Pascal Dusapin met en scène et en musique les [...]