La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -253-LE QUAI ~ CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL ANGERS PAYS DE LA LOIRE

Effervescence créatrice

Effervescence créatrice - Critique sortie Théâtre
Frédéric Bélier-Garcia. © D. R.

Entretien Frédéric Bélier-Garcia

Publié le 26 mars 2017 - N° 253

Directeur du Quai, le metteur en scène Frédéric Bélier-Garcia soutient diverses démarches artistiques fortes et originales, et crée cette année Honneur à notre Elue de Marie Ndiaye.

Frédéric Bélier-Garcia : Le Quai fédère plusieurs structures culturelles et, depuis janvier 2016, son activité bénéficie de la fusion du Nouveau Théâtre d’Angers – Centre Dramatique National des Pays de la Loire, qui vient de fêter ses trente ans d’existence, et de l’Etablissement public de coopération culturelle Le Quai, ouvert au public en 2007. C’est donc une grosse structure où travaillent plus de cinquante personnes, qui abrite aussi le Centre National de Danse Contemporaine dirigé par Robert Swinston. C’est un lieu de vie bouillonnant, une maison de production, un espace de création et de diffusion de spectacles pluridisciplinaires, ouvert au cirque, à la musique, à une grande variété de formes artistiques même si le théâtre demeure notre cœur de métier. Nous unifions notre projet autour de l’idée d’écriture contemporaine, toujours singulière, parfois inspirée par un croisement de disciplines. Grande, notre première création de la saison proposée en octobre dernier par Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel et saluée de toutes parts, se fonde sur une écriture circassienne originale et captivante. Depuis la fusion nous sommes passés de deux à une dizaine de créations par an. Le Quai est un outil extraordinaire. Davantage mobilisé depuis la fusion, le public nous suit, y compris dans les propositions les plus audacieuses.

« Nous unifions notre projet autour de l’idée d’écriture contemporaine. »

Qui sont les artistes que vous accueillez ? 

F. B.-G. : Nous accueillons des créateurs de théâtre qui ont envie d’aller vers des univers différents, d’explorer de nouvelles ramifications dans leur quête. Artiste associé au Quai, acteur, metteur en scène, ventriloque, chanteur, Jonathan Capdevielle fabrique un cabaret avec les comédiens de sa troupe et des amateurs angevins, guidé par la figure de Jeanne d’Arc. Inspiré par le cabaret allemand contestataire de l’entre-deux-guerres, ce Cabaret Apocalypse déploie une forme théâtrale, chorégraphique et musicale. La saison prochaine, Jonathan Capdevielle crée Un Crime d’après le roman de Georges Bernanos. Chloé Dabert, elle aussi artiste associée, crée, deux ans après avoir été récompensée par le prix du Festival Impatience pour sa mise en scène d’Orphelins, un autre texte de Dennis Kelly, L’abattage rituel de Gorge Mastromas. La pièce dissèque le parcours d’un ex-type bien devenu monstre d’arrogance, sorte de héros de cinéma décalé. Autre création très particulière, l’adaptation par Mathilde Monnier du Bal de Jean-Claude Penchenat immortalisé au cinéma par Ettore Scola. Avec l’écrivain argentin Alan Pauls et des danseurs argentins, elle évoque l’Histoire contemporaine argentine depuis les années soixante-dix. La saison prochaine, Mohamed El Khatib crée Stadium sur l’univers des supporters de football. Je reviens pour ma part à l’écriture de Marie Ndiaye et crée Honneur à notre élue, nouvelle pièce qui évoque une bataille électorale dans une ville moyenne.

Quelles sont les écritures contemporaines qui vous motivent ?

F. B.-G. : J’aime faire venir au théâtre des auteurs issus de l’horizon du roman, qui révèlent une forte personnalité stylistique, comme Marie Ndiaye, dont j’ai monté plusieurs textes, ou Tanguy Viel, à qui nous avons commandé une pièce pour 2018. De tels auteurs amènent de nouvelles manières d’écrire au théâtre. Et nous alternons les écritures d’aujourd’hui avec le répertoire. Après avoir créé à l’opéra Macbeth de Giuseppe Verdi, je projette de mettre en scène la tragédie de Shakespeare en utilisant le livret de Verdi, qui contracte magnifiquement l’œuvre en la centrant sur le couple.

Vous êtes engagé dans un compagnonnage avec Marie Ndiaye…

F. B.-G. : Depuis que j’ai mis en scène en 2002 Hilda, sa première pièce, nous sommes toujours restés en contact. J’aime beaucoup sa manière unique de fabriquer des personnages qui recèle une part énigmatique, de travailler les rapports entre les êtres en gardant une opacité qui ne se résout jamais. Une dimension irrationnelle, mystérieuse, voire fantastique, s’immisce ainsi au cœur du quotidien. Elle me rappelle certains auteurs tels que Kleist, et notamment Michael Kohlhaas ou La Petite Catherine de Heilbronn avec leurs personnages entêtés qui font vaciller le monde. Honneur à notre Elue explore un fait divers républicain et met en jeu une étrange obstination de la part de l’Elue, qui se refuse à contrer le stratagème infâme de l’Opposant, toujours perdant alors que l’Elue est plébiscitée par la population (ndlr Isabelle Carré et Patrick Chesnais interprètent l’Elue et l’Opposant). Plus que le processus démocratique ou le monde politique, ce sont les relations entre les personnages qui structurent la trame du texte et creusent l’humain dans ses contradictions et ses errements.

Propos recueillis par Agnès Santi

 

Honneur à notre élue, créé au Quai en février 2017 puis programmé au Théâtre du Rond-Point. En tournée au Théâtre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence du 29 mars au 2 avril 2017, au Grand T à Nantes les 5 et 6 avril, au Théâtre des Célestins à Lyon du 11 au 20 avril.

 

Le Quai, Centre Dramatique National Angers Pays de la Loire,

Cale de la Savatte, 49100 Angers.

Tél. : 02 41 22 20 20.

www.lequai-angers.eu

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