La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

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Dorcy Rugamba

Dorcy Rugamba - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 janvier 2008

Le théâtre contre l’oubli

La parole tonne… comme une colère portée au rouge par tous les crimes du colonialisme. Psalmodié ou scandé au micro, ce texte radical de Dorcy Rugamba est dédié à tous les opprimés du monde.

Pourquoi évoquer les crimes du colonialisme aujourd’hui ?

Dorcy Rugamba :
Le génocide rwandais m’a conduit à m’intéresser à ce phénomène récurrent des sociétés modernes : l’extermination de populations entières. J’avais vingt-quatre ans alors. Durant quatre ans, nous avons vu se mettre en place l’appareil génocidaire. A posteriori, le projet des génocidaires paraissait clair. Mais, à l’époque, nous les avons pris pour des rigolos. Il nous a manqué une mémoire et une conscience universelles qui auraient pu nous alerter sur le processus en cours. Les grands crimes contre l’humanité ont des liens de parenté. L’asservissement sinon l’extermination des peuples indigènes ont presque toujours accompagné le colonialisme, non comme dommages collatéraux mais comme partie du projet colonial.
 
Quels sont les enjeux de la mémoire coloniale ?

D.R. :
Arendt dégage trois totalitarismes : le nazisme, le communisme et l’impérialisme colonial. Pour ce dernier prévaut une indulgence incompréhensible, voire une réhabilitation, plus grave qu’une prétendue tyrannie de la pénitence. L’enjeu de la mémoire coloniale est de purger la société d’un mal qui la gangrène depuis longtemps : l’idéologie coloniale qui a déjà produit sur tous les continents des crimes contre l’humanité à répétition et qui structure encore la pensée de bien de gens.
 
« Le théâtre est une invitation au débat. »
 
En France, la loi Taubira en 2001, les débats autour de l’héritage de la colonisation, l’ouverture de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, témoignent-ils d’un examen critique du passé colonial ?

D.R. :
La loi Taubira fut nécessaire pour qualifier ce que fut la traite et l’esclavage des Africains dans les colonies d’outre-Atlantique : un crime contre l’humanité. Or, en France, le débat sur la traite négrière, la colonisation ou l’immigration est pourri par le prisme racial qui veut que ces sujets ne concernent que les fils d’esclaves et les fils de colonisés. Comme si les victimes de l’esclavage et de la colonisation n’étaient pas d’abord et par essence des hommes.
 
Pourquoi avoir choisi le théâtre pour dénoncer cette situation ?

D.R. :
Contrairement aux politiciens et aux prêtres, les artistes n’ont pas de solution à vendre ni de salut à promettre. Le théâtre et l’art en général proposent un autre point de vue pour creuser les questions ensemble. C’est une invitation au débat.
 
Propos recueillis par Gwénola David


Bloody Niggers !, de Dorcy Rugamba ; conception et adaptation de Younouss Diallo ; mise en scène de Jacques Delcuvellerie. Du 10 au 12 janvier à 20h30 à la Maison des Arts de Créteil.

A propos de l'événement



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