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"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -242-Festival de Saint~Denis 2016

De Sarajevo : ode à la tolérance

De Sarajevo : ode à la tolérance - Critique sortie Classique / Opéra Basilique de Saint-Denis
Goran Bregovic, pour l’amour de Sarajevo. © DR

ENTRETIEN / Goran Bregovic

Publié le 29 mars 2016 - N° 242

Goran Bregovic retrouve la Basilique de Saint-Denis pour sa nouvelle création : De Sarajevo. Ode à sa ville natale, havre de tolérance et de paix avant de sombrer dans la guerre et la haine, ce projet rassemble son Orchestre des Mariages et des Enterrements, l’Orchestre national d’Île-de-France et trois solistes, symboles de dialogue et d’universalité : Baki Kemanci (violon oriental), Alexis Cardenas (violon occidental) et Estelle Goldfarb (violon klezmer)

Vous semblez fasciné par Sarajevo. Pourquoi ?

Goran Bregovic : Il y a d’abord le simple amour pour la ville où je suis né, où j’ai fait mes études, où j’ai mes amis, des souvenirs, où j’ai commencé à écrire de la musique. Cela aurait pu en rester là, si la guerre n’avait pas donné à cette ville un rôle de métaphore. C’est une ville où l’on a vécu ensemble avec tolérance avant, soudainement, de tous devenir ennemis. Où toutes les religions – orthodoxes, catholiques, musulmans, juifs – vivaient ensemble, entre les deux guerres, complètement en harmonie. Avant que tout ne change et que l’horreur commence. Vous, les Français, avez la chance d’aimer un pays beau et normal mais nous, nous aimons, avec le même amour que le vôtre, ce pays cruel et bizarre à l’histoire terrible. C’est assez compliqué d’aimer une patrie aussi… compliquée.

«  Je souhaite inventer un moment qui célèbre toutes les choses que nous avons en commun. »

Comment avez-vous conçu cette œuvre ?

G. B. : Je veux trouver, chercher ce qu’on a tous en commun. Le violon est un instrument que l’on joue dans toutes les religions. Il n’y a que la technique qui diffère : « classique » pour les chrétiens, « klezmer » pour les juifs et « orientale » pour les musulmans… Cela a été pour moi un joli point de départ et une bonne raison d’entrer dans une recherche autour de cet instrument. L’utilisation de l’orchestre philharmonique me donne l’opportunité d’une structure plus complexe, mais j’aime imaginer un résultat final joyeux. Dans ce monde qui cherche à souligner les différences et les raisons d’être ennemis, je souhaite inventer un moment qui célèbre toutes les choses que nous avons en commun. Ces trois violons montrent que nous ne sommes pas différents. Seules de petites questions de technique les distinguent. Aujourd’hui, « pacifiste » veut forcément dire « utopiste ». Mais chaque grand changement, chaque grande idée a commencé par une idée utopique. Malheureusement, de nos jours, on n’a pas beaucoup d’idées utopiques. La dernière nouvelle idée politique, ce fut celle de Karl Marx, au 19e siècle…

Etes-vous optimiste pour l’avenir de l’Europe ?

G. B. : Bien sûr. Quand on regarde les informations, on a l’impression que le monde est un endroit catastrophique, mais il est tout de même meilleur aujourd’hui qu’il y a un siècle ou deux. Et c’est l’être humain qui le rend meilleur, chacun par son métier. Le mien est d’écrire de la musique. Il faut illuminer le monde pour qu’il devienne meilleur, et pour cela même la plus petite lumière a tout son sens…

 

Propos recueillis par Jean-Luc Caradec

A propos de l'événement

De Sarajevo : ode à la tolérance
du mardi 14 juin 2016 au mardi 14 juin 2016
Basilique de Saint-Denis
Saint-Denis, France

à 20h30.

Festival de Saint-Denis. Du 26 mai au 24 juin 2016

Tél. 01 48 13 06 07.

http://www.festival-saint-denis.com/

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