La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

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ARTHUR NAUZYCIEL

ARTHUR NAUZYCIEL - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 octobre 2011

L’ART COMME ESPACE DE RÉPARATION

JAN KARSKI , PRIX INTERALLIE 2009, L’OUVRAGE DE YANNICK HAENEL RETRAÇANT LA VIE DU MESSAGER DE LA RESISTANCE POLONAISE, PORTE-PAROLE DE L’HORREUR DE LA SHOAH AUPRES DU MONDE LIBRE EN PLEINE SECONDE GUERRE MONDIALE, EST ADAPTE PAR LE DIRECTEUR DU CDN D’ORLEANS, ARTHUR NAUZYCIEL. PAR-DELA LES AFFRONTEMENTS PASSIONNELS LORS DE LA PARUTION DU LIVRE, CONCERNANT PRINCIPALEMENT LES RELATIONS ENTRE FICTION ET HISTOIRE, LE SPECTACLE PRESENTE CET ETE EN AVIGNON ET SOUS-TITRE « MON NOM EST UNE FICTION » RALLUME LE FLAMBEAU DU TEMOIN.

« Mon désir est lié à la question de la disparition des témoins. » Arthur Nauzyciel
 
Pourquoi avoir voulu adapter cette œuvre controversée ? En quoi vous paraît-elle être un matériau propice pour le théâtre ?
Arthur Nauzyciel : La polémique autour du livre ne me fait pas douter de la nécessité de le mettre en scène. Mon désir est lié à la question de la disparition des témoins. Qui témoigne pour le témoin ? Les témoins de la shoah ont tous disparus ou sont en passe de l’être. Est-ce que le théâtre a un rôle à jouer ici et maintenant ? Le livre m’a été envoyé par Yannick Haenel après qu’il ait vu Ordet. Il y reconnaissait une démarche semblable à la sienne : l’art comme espace de réparation. J’ai lu le livre quelques jours après la disparition de mon oncle, frère de mon père déporté à Auschwitz. Un des liens forts que j’avais avec lui s’est justement construit sur son expérience concentrationnaire. Le mérite du livre qui imagine ce qui a hanté les nuits de Jan Karski est de nous faire ressentir quelque chose de cette conscience, de cette douleur inouïe, domestiquée, apprivoisée. Je pense qu’existe une chaîne de messagers : Karski, Lanzmann, Haenel…
 
Cette création, l’une des pièces événements du Festival d’Avignon 2011, vous a-t-elle demandé plus qu’une autre d’inventer sur le plan dramaturgique ?
A. N. : Le texte de Haenel qui triple les formes de représentation – le documentaire, la biographie, la fiction – dans son dispositif même invente une voie pour aujourd’hui, cherche à éviter l’écueil de l’adoption d’un point de vue conventionnel voire absolutiste sur la Shoah et ses modes de représentation. Ce témoignage, documentarisé, biographié, romancé, est celui d’un catholique polonais raconté par un français de quarante ans. Le spectacle, sous-titré “Mon nom est une fiction”, parle donc aussi de regards sur cet homme et son histoire, un témoin majeur de l’extermination radicale, politique et industrielle des Juifs en France comme dans le reste de l’Europe.
 
Laurent Poitrenaux incarne Jan Karski. Que lui avez-vous demandé ? Recommandé ?
A. N. : Laurent était le passeur idéal. Nous ne travaillons pas pour la première fois ensemble. Nous nous accompagnons mutuellement. D’ailleurs le mot qui me vient pour qualifier notre travail en commun, notre travail à tous, sur ce spectacle, est celui de compagnonnage. Nous nous sommes laissé, les uns et les autres, traverser par cette histoire douloureuse. Nous avons travaillé dans un grand calme, avec beaucoup de délicatesse, beaucoup d’attention les uns envers les autres.

Entretien réalisé par Marie-Emmanuelle Galfré


 

Jan Karski (Mon nom est une fiction), d’après le roman de Yannick Haenel, adaptation et mise en scène Arthur Nauzyciel, du 8 au 19 février 2012.

A propos de l'événement



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