La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

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Olivier Py

Olivier Py - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 septembre 2011

De l’amour

Trois créations cette saison : Olivier Py continue son chemin de poète et de metteur en scène, tout en poursuivant, à la tête du Théâtre de l’Odéon, son exigeant travail d’ouverture et de découverte.

« Après une saison beaucoup plus politique, une saison érotique. » Olivier Py
 
Cette saison s’ouvre avec votre Roméo et Juliette. Pourquoi ce choix ?
Olivier Py : C’est la pièce la plus connue de Shakespeare et pourtant, elle n’est quasiment jamais montée. Peut-être est-elle inconnue d’être trop connue. Elle est surtout mal connue et à des kilomètres d’un mélodrame pacifiste ou d’un bluette sentimentale. En faisant une traduction au plus près du texte, on se retrouve face à une pièce qu’on a l’impression de ne pas connaître. On coupe souvent ses passages comiques, or ce sont eux qui évitent de tomber dans le mélodrame.
 
Quelle conception de l’amour y lisez-vous ?
O. P. : Une conception à la fois assez simple et très profonde. C’est la question du destin qui s’y déploie. Quand Roméo et Juliette se rencontrent, ils rencontrent avec l’amour un projet spirituel : il s’agit pour eux de vérifier si on a un destin ou si on s’appartient. Ils découvrent leur liberté, qui ne sera que la liberté de mourir. D’où la nature politique de leur geste. Ils mènent une guerre contre les étoiles davantage que contre les parents. Ces deux amoureux sont trahis par les étoiles. Ils s’aiment vraiment quand ils découvrent qu’ils sont interdits l’un à l’autre. On retient la déploration de cette pièce ; pourtant, elle est d’une énergie incroyable. Le français l’alourdit. J’ai essayé de respecter la versification originale, d’en trouver une, en alternant dizains, alexandrins, en respectant à la fois la prose, les sonnets, les jeux de rimes, les poèmes que disent les personnages et qui leur permettent de se tenir au-dessus de leur anecdote. Et puis, il faut une tragédienne qui puisse jouer une jeune fille : je l’ai trouvée avec Camille Cobbi, comme j’ai trouvé Roméo en Matthieu Dessertine.
 
En février, vous achevez votre projet de monter tout Eschyle.
O. P. : Je suis fier et heureux car c’est un projet qui a connu un énorme et incroyable succès, partout et pour tous les publics. Je crois que ça tient à sa simplicité, à sa grammaire extrêmement pauvre. Les comédiens et moi-même avions envie de ce dépouillement. C’est devenu une aventure sociale, politique et poétique. J’ai gardé Prométhée enchaîné pour la fin parce que je n’étais pas sûr de bien comprendre cette pièce. C’est la première partie d’une trilogie. Comme toujours dans les trilogies d’Eschyle, la première pièce finit mal. Eschyle affirme toujours la liberté de l’homme face aux dieux, et cette tragédie, attachée à la fatalité qui brise les hommes, semble dire le contraire… Je termine ce cycle consacré à Eschyle en jouant moi-même cet homme qui affronte l’injustice du pouvoir des puissants : cela me plaît beaucoup…
 
Die Sonne sera joué en allemand par des acteurs allemands. Comment l’aventure est-elle née ?
O. P. : Je me suis mis à l’allemand il y a trois ans, notamment parce que j’ai monté plusieurs opéras dans cette langue. J’ai écrit la pièce en français, elle a été traduite et elle sera créée en allemand, à la demande de Castorf. L’idée m’a beaucoup plu. Je l’ai écrite en sachant qu’elle serait jouée et traduite en allemand. Il y est question de la profondeur du Rhin qui séparent deux façons d’envisager le théâtre et la mise en scène, au sein d’un dialogue entre un metteur en scène et un acteur, entre la raison allemande et le monde latin, qui recoupe un autre dialogue, infini, entre Apollon et Dionysos, la raison et le désir, le théâtre politique et le théâtre poétique.
 
Pas de poète associé cette saison ? Quelle couleur pour cette saison ?
O. P. : Joël Pommerat est devenu poète associé. Sa présence est une sorte d’évidence. Il se sent bien à l’Odéon. J’espère qu’il pourra continuer à y travailler après moi. Quant à la couleur de la saison, c’est toujours un peu artificiel de la déterminer et pourtant elle existe. Après une saison beaucoup plus politique, on a l’impression d’une saison marquée par l’amour, d’une saison érotique en somme ! C’est aussi la plus européenne et la plus internationale de celles qu’on a proposées. Beaucoup d’artistes qui n’étaient jamais venus à l’Odéon sont présents. Beaucoup de jeunes également. Et beaucoup d’exigence : il y a dans cette grande maison tout ce qu’il faut pour faire un vrai théâtre populaire !
Propos recueillis par Catherine Robert


 
Roméo et Juliette, de William Shakespeare,
mise en scène d’Olivier Py. Du 21 septembre
au 29 octobre 2011. Prométhée enchaîné, d’Eschyle, mise en scène d’Olivier Py. Du 14 au 19 février 2012. Die Sonne, texte et mise en scène d’Olivier Py.
Du 7 au 14 mars 2012.

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