La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -172-sete

Alain Béhar

Alain Béhar - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 novembre 2009

Les innombrables déclinaisons du soi

Suite à une résidence au sein d’un laboratoire marseillais de recherche en neurosciences, l’auteur-metteur en scène Alain Béhar crée . Entre mondes réels et virtuels, une mise en perspective fictionnelle de la segmentation de l’être.

Quelle est l’idée de départ de votre projet ?
Alain Béhar : C’est d’élaborer une fiction autour des questions de l’être, du « soi », de l’impact que peut avoir sur l’homme le développement de la science, des intelligences artificielles et des mondes virtuels. Cela sans frayeur, sans tension, avec beaucoup de légèreté, en émettant de simples hypothèses sur ce que ces avancées scientifiques et technologiques peuvent déplacer dans nos existences.   
 
Ces hypothèses s’appuient sur l’expérience d’un personnage qui se nomme Mô…
A. B. : Il ne s’agit pas d’un personnage dans l’acception traditionnelle et psychologique du terme. Il s’agit d’un individu qui se fragmente, qui a conscience de cette fragmentation et essaie de la penser, de l’appréhender. C’est la question de qui il est qui le fonde. A travers lui, j’ai essayé de me demander ce que pouvait être la vie des personnes qui passent dix-huit heures par jour connectées à des réseaux sociaux virtuels, des personnes qui, grâce à des avatars d’elles-mêmes, ont la possibilité d’être à différents endroits en même temps. Qu’est-ce qui peut s’ouvrir comme démultiplication de l’être lorsque l’on se trouve à la fois dans des dimensions du réel et du virtuel ? Qu’est-ce qui se recombine alors dans notre tête ? Ce spectacle n’est pas une enquête mais une fiction, une fiction qui s’apparente à un jeu. J’ai voulu concevoir comme une ode joyeuse à la potentialité.
 
« J’ai voulu concevoir comme une ode joyeuse à la potentialité. »
 
Qu’entendez-vous par là ?
A. B. : Mô se demande qui il est, quelle est l’identité, la nature de son « soi ». A travers le spectacle, il arrive à se dire que son « soi » est le multiple d’une somme indéterminée de « moi », que son « soi » est en fait une chose inatteignable. Sur le plateau, cinq comédiens incarnent diverses possibilités de ces « moi », mais ils pourraient tout aussi bien être cent ou mille. Car, l’une des hypothèses que j’émets est que le « soi » n’est jamais qu’une promesse ou qu’une projection.
 
En quelque sorte, le « soi » n’est toujours qu’une attente…
A. B. : Oui, et c’est bien ainsi. Encore une fois, il n’y a aucun effroi dans ce spectacle, aucun endroit de plainte, aucune impulsion visant à dénoncer une forme d’autisme, d’enfermement. Le « soi » est pensé comme une réalité en puissance. Mô refuse en effet de trancher en résolvant l’entremêlement, la superposition, l’empilement de ses différents « moi ». Il préfère se situer dans la valorisation enjouée de cette puissance potentielle, de cette puissance indivisée.
 
Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat


, texte et mise en scène d’Alain Béhar. Les 12, 13 et 14 novembre 2009 à 20h30. Centre culturel Léo-Malet de Mireval. En tournée : Théâtre des Bernardines – Marseille, Théâtre Garonne – Toulouse.

A propos de l'événement



x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre