La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -174-mc93

2666

2666 - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 janvier 2010

LA DESINTEGRATION D’UNE SOCIETE

ALEX RIGOLÁ, DIRECTEUR DU THEATRE LLIURE A BARCELONE, ADAPTE POUR LA SCENE LE ROMAN INCLASSABLE DU CHILIEN ROBERTO BOLAÑO, MONUMENTAL ET FASCINANT JEU DE PISTES EMPOISONNE PAR LE MAL.

Subjugué par cette écriture labyrintique, Alex Rigolá a relevé le défi considérable de son adaptation à la scène. Roman posthume inachevé monumental du Chilien Roberto Bolaño (1953-2003), 2666 reprend des thèmes familiers de l’auteur : la nécessité d’écrire et le mal, l’errance (lui-même vécut en exil quasiment toute sa vie), les tumultes de l’Histoire et l’impossibilité des utopies. Une œuvre foisonnante en cinq parties bien distinctes où abondent les récits dans le récit, les passerelles entre les lieux et les époques, et des personnages mystérieux, du journaliste enquêteur face à la barbarie à l’écrivain allemand Archimboldi (comme son nom ne l’indique pas…). « Parfois on a besoin de prendre de la distance pour pouvoir voir les choses. Ce roman prend cette distance pour montrer ce qu’il y a de pire en nous-mêmes, non pas comme des personnes mais comme société », confie le jeune metteur en scène. Dans le roman, la ville maudite de Santa Teresa au Mexique constitue un élément essentiel, une vision du pire où l’humanité se désintègre.
Meurtres non élucidés

Théâtre de meurtres atroces et point d’ancrage effarant dans un monde chaotique, où échouent progressivement les personnages, cette localité s’inspire de la ville mexicaine de Ciudad Juarez, bien réelle, où les massacres de plus de trois cents femmes ne furent jamais élucidés. La mise en scène utilise d’ailleurs du matériel rapporté du Mexique (photos…), ce qui souligne avec acuité la véracité de l’histoire. La pièce maintient la structure en cinq parties. « Dans la première, l’idée est d’organiser une conférence où les participants sont les quatre protagonistes de l’histoire, professeurs de littérature à la recherche d’un écrivain disparu : ils commencent en la racontant de manière neutre, mais lentement s’impliquent de plus en plus. La deuxième partie a quelque chose de David Lynch, à cause de quelques faits paranormaux, surnaturels ou étranges qui arrivent (…). Dans la troisième partie nous voulons faire une sorte de roman noir ou comme un film du cinéma noir. La quatrième est un oratorio avec douze voix qui récitent les noms des morts. Et dans la cinquième, l’idée est de retourner à une narration où le théâtre d’objets aura une certaine importance. Il s’agit de raconter l’histoire d’Archimboldi comme un grand carrousel de la vie. » Toute la créativité d’un metteur en scène et de son équipe affronte ainsi le texte et le transpose sur le plateau… A découvrir !

Agnès Santi


2666, de Roberto Bolaño, adaptation Pablo Ley, Alex Rigolá, mise en scène Alex Rigolá, du 11 au 13 février à 18h et le 14 à 14h30. Spectacle en espagnol surtitré.

A propos de l'événement



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