Les Chaises d’Eugène Ionesco, mis en scène de Bernard Levy
Après avoir monté des textes de Beckett, [...]
Dans la mise en scène subtile de Marie Montegani, Clara Ponsot compose une Marina Tsvetaeva puissante et habitée.
Ça commence par l’évocation d’Alya et d’Irina, les deux filles de Marina Tsvetaeva. La poétesse avoue préférer la première. Elle le fait simplement ; pas de place dans son cœur pour autre chose que l’unicité de l’amour. C’est ainsi, même si cette exclusivité va loin, au point que la jeune mère retire la favorite de l’orphelinat pour la soigner, tandis que l’autre y reste et finit par y mourir. À trois ans. De faim. La mère ne voit pas le corps, n’assiste pas à l’enterrement. Elle ne « pouvait pas » puisque sa préférée avait de la fièvre… Ce début coup de poing, qui montre toute l’ambivalence de la mère magnifique et monstrueuse, résume bien la personnalité de la poétesse Marina Tsvetaeva (1892-1941). C’est une femme qui n’a pas peur de penser, aussi extravagantes puissent paraître ses pensées. Et elles le sont. Singulières du moins, ce qui revient au même car les idées ou les paroles nouvelles semblent toujours extravagantes à qui les entend pour la première fois. S’il lui arrive de faire des concessions à la politesse ou au savoir-vivre, en louant des prétendus poètes pour qui l’écriture n’est qu’un passe-temps, Marina Tsvetaeva admire ceux pour qui la littérature représente un absolu comme Rainer Maria Rilke ou Boris Pasternak, avec lequel elle s’oppose pourtant. Non ! Les kolkhozes ou les masses ne l’intéressent pas, ce qui lui importe, elle, ce sont les individus – on comprend que le régime soviétique ne l’ait pas appréciée…
Le portrait d’une femme éprise d’absolu
La question de la condition féminine est en revanche au cœur de ses préoccupations : « Quand une femme écrit, elle écrit pour toutes celles qui se sont tues », dit-elle en substance. Mais quelle difficulté de vivre au quotidien quand on est une artiste désargentée. Par petites touches ressort le portrait d’une femme libre et éprise d’absolu, dans l’adaptation intelligente et subtile que Marie Montegnani a faite du recueil Vivre dans le feu de Tzvetan Todorov, superbe introduction à la vie et l’œuvre de l’écrivaine. Cette flamme intérieure qui semble consumer la poétesse, la comédienne Clara Ponsot la restitue magnifiquement. Avec une grande économie de gestes (elle est assise sur une chaise durant toute la représentation), elle habite avec force ce personnage qu’elle ne cherche pas à rendre aimable. Marina Tsvetaeva apparaît ainsi dans toute sa complexité : tout à la fois attachante, effrayante, arrogante, tranchante. Une femme trop lucide, qui en paiera le prix en se pendant, un jour d’août 1941. Mais au moins, sa cendre sera plus chaude que leur vie…
Isabelle Stibbe
Du mardi au samedi à 21h. Tél. : 01 45 44 57 34. Durée : 1h15.
Après avoir monté des textes de Beckett, [...]