Emmanuel Demarcy-Mota met en scène Zoo de Vercors

« L’idée de ce projet est née à l’occasion d’une exposition organisée par le Musée d’Orsay sur le thème des origines*, ainsi qu’à la suite de discussions menées autour du croisement entre l’art et la science. Je travaille sur ce sujet depuis plusieurs années avec les équipes du Théâtre de la Ville, en collaboration avec de grands scientifiques comme la neurochirurgienne Carine Karachi, le neurologue David Grabli, l’astrophysicien Jean Audouze ou la biologiste Marie-Christine Maurel. Tous ces échanges nous ont amenés à approfondir la question du comportement humain, de l’évolution et du transhumanisme, du rapport entre l’homme et l’animal, entre l’homme et la nature… Fort de ces réflexions, nous avons commencé à travailler sur Zoo. Une première version du spectacle a été créée au Musée d’Orsay, en juillet dernier. Le roman de Vercors, Les animaux dénaturés, date du début des années 1950. Il a été adapté par l’auteur lui-même pour donner une pièce de théâtre, Zoo ou l’Assassin philanthrope, que Jean Mercure (ndlr, directeur-fondateur du Théâtre de la Ville en 1968 à 1985) a mis en scène en 1975.

Culture, art, science, justice

La représentation que nous créons à l’Espace Cardin avec la troupe du Théâtre de la Ville part d’une nouvelle adaptation. Cette version augmentée comporte certains passages du roman qui n’étaient pas présents dans l’adaptation de Vercors, ainsi que des textes scientifiques qui renvoient à la question que pose l’espèce d’anthropoïdes inventée par l’écrivain pour son roman. Cette espèce – entre homme et animal – nous interroge sur la façon dont on caractérise l’intelligence des animaux. Zoo met en regard l’état de la science en 2022 et ce qu’elle était dans les années 1950, quand a paru Les animaux dénaturés. Évidemment, la connaissance scientifique n’est aujourd’hui pas la même. Notre rapport éthique est nécessairement réinterrogé. Notre spectacle établit un dialogue entre ces deux périodes, dialogue qui met en perspective le procès se situant au cœur du texte de Vercors. Nous avons également ajouté des éléments repris à de grands procès historiques. Ces éléments nous questionnent sur la façon dont on peut définir la justice dans sa relation avec la science, l’art et la culture. »

Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat

* « Les origines du monde. L’invention de la nature au XIXème siècle ».