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Danse - Critique

D’ivoire et chair – les statues souffrent aussi de Marlene Monteiro Freitas

D’ivoire et chair – les statues souffrent aussi de Marlene Monteiro Freitas - Critique sortie Danse Montreuil Théâtre Public de Montreuil
D’ivoire et chair – les statues souffrent aussi de Marlene Monteiro Freitas. Crédit : Pierre Planchenault

Festival d’Automne / Théâtre Public de Montreuil CDN / Chor. Marlene Monteiro Freitas

Publié le 29 septembre 2022 - N° 303

D’ivoire et chair – les statues souffrent aussi (de marfim e carne – as estátuas também sofrem) a su se tailler une réputation de pièce culte depuis sa création en 2014 à Montpellier Danse.

Dans De marfim et carne – as estátuas também sofrem (d’ivoire et chair – les statues souffrent aussi), tout est surprenant. Les personnages encapuchonnés de peignoirs chinois bleu et noir, les gestes machiniques et saccadés qui s’accordent à une bande son tout aussi industrielle, avec ses arrêts, ses stridences, et brusques vrombissements. Bien sûr, on pense à un travail à la chaîne, mais ici curieusement inutile et improductif… Soudain, le ton change. Marlene Monteiro Freitas et ses acolytes laissent tomber le peignoir pour se lancer dans une danse hybride, sorte d’instantanés de pubs style années 80 et d’accumulations de Trisha Brown, mâtinée d’un clin d’œil, tout de même, aux Temps modernes de Charlie Chaplin. Reste que la mécanique apparemment bien rôdée ne demande qu’à s’emballer : avec ses trois musiciens qui ponctuent la scène de coups de cymbales bien ajustés, la suite du spectacle frise l’improbable.

Machinal et charnel

Les visages des performeurs se déforment, se disloquent par l’effet de grimaces ou de maquillage, ne perdant jamais le rythme implacable qui les précipite dans des poses absurdes ou étranges. Inspirée du film réalisé en 1953 sur le thème de « l’art nègre » par Alain Resnais et Chris Marker Les statues meurent aussi, Marlene Monteiro Freitas joue de la pétrification des corps pour mieux leur donner vie. Le carnaval n’est jamais loin dans cette curieuse incarnation, tant pour le grotesque de ces personnages mus par on ne sait quelle ficelle, que pour son étymologie puisqu’il s’agit « d’enlever la chair » et de transformer ces humains en statues désincarnées. Finalement, le machinal déborde, de précis, il devient baroque, boursouflé comme la variation finale de Casse-Noisette de Tchaïkovsky qui devient dans cette bande-son aussi emphatique qu’une B.O. de blockbuster dramatique. L’ensemble n’est pas seulement drôle ou décalé, il est profondément émouvant. Et ces statues sont bien celles qui enferment notre chair – ou nos émotions – à l’intérieur de nous. À jamais figées sous le marbre de la société.

Agnès Izrine

A propos de l'événement

D’ivoire et chair – les statues souffrent aussi de Marlene Monteiro Freitas
du mercredi 2 novembre 2022 au samedi 5 novembre 2022
Théâtre Public de Montreuil
CDN, Salle Jean-Pierre Vernant, 10, place Jean Jaurès, 93100 Montreuil.

Mer. au ven. 20h, sam. 18h. Tél. : 01 48 70 48 90. Durée : 1h20. Dans le cadre du Festival d’Automne. Spectacle vu à la création à Montpellier Danse le 2 juillet 2014.

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