Le Cabaret Blanche
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Avignon / 2015 - Entretien Nathalie Garraud
L’élan frénétique qui agitait les existences subitement s’est arrêté. Un mauvais hasard, peut-être le poison d’un virus, s’est glissé dans la mécanique. Enfermées, quelques personnes épanchent l’imaginaire du corps étranger. Dans Soudain la nuit, Nathalie Garraud et Olivier Saccomano explorent le processus de construction sociale de l’Autre.
Comment cette création s’inscrit-elle dans le cycle « Spectres de l’Europe » que vous avez lancé en 2013 ?
Nathalie Garraud : Ce cycle est né d’une réflexion sur l’Autre, en réaction aux polémiques de plus en plus vives portant sur la protection des frontières. C’est une enquête sur la façon dont se constitue en Europe la figure de l’étranger, sur les artifices politiques, économiques et médiatiques qui la fabriquent, la théâtralisent et nourrissent les fantasmes les plus obscurs. L’image du « plombier polonais » est ainsi devenue l’emblème de celui qui vient voler le travail sur notre territoire ! Travailler à démonter les mécanismes du discours, c’est l’endroit du théâtre. Dernière des « pièces études » de cette trilogie, Soudain la nuit prend le virus comme métaphore de l’élément étranger qui s’infiltre le corps social et le menace. Des phénomènes mondiaux comme l’épidémie de fièvre Ebola ou les camps d’entrainement de l’Etat Islamique qui « inoculent » le Djihad chez de jeunes européens génèrent des angoisses qui s’enkystent profondément dans nos sociétés.
La pièce se déroule dans le service médical d’urgence d’un grand aéroport européen. Comment cette situation très concrète ouvre-t-elle à ces questionnements ?
N. G. : L’aéroport est un espace où s’organisent matériellement les entrées et les sorties du territoire, où se vivent l’arrivée ou le départ, ce qui lui confère une grande puissance symbolique. Ici, quelques personnes sont mises en quarantaine dans une cellule médicale car traîne le soupçon d’une infection par un virus. Dans cette zone frontière, la libre circulation et le temps semblent suspendus. Les gens sont soudain extirpés du flux ambiant, mais aussi du cours de leur existence et de leur identité sociale. Ils se retrouvent dans la même situation, enfermés dans une chambre d’observation isolée du monde. La perception de l’étranger y prend une dimension particulière, exacerbée. Les fantasmes se déplient et révèlent ce qui traverse l’inconscient collectif.
A partir de quels matériaux avez-vous travaillé avec votre complice Olivier Saccomano ?
N. G. : Nous alternons des sessions de recherche à la table, à partir de films documentaires, de journaux, d’écrits philosophiques, des périodes d’écriture solitaire pour Olivier Saccomano et des séquences d’expérimentation sur le plateau avec l’équipe de création. La pièce se construit dans cette dialectique-là. Nous explorons les lisières du réel et du semblant, pour reprendre une problématique développée par le philosophe Alain Badiou dans A la recherche du réel perdu. Quelque part donc entre la réalité et le for intérieur…
Entretien réalisé par Gwénola David
A 15h, relâche le 8. Festival d’Avignon. Tél : 04 90 14 14 14.
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