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Avignon / 2022 - Entretien / Christophe Rauck

Christophe Rauck met en scène Richard II de Shakespeare

Christophe Rauck met en scène Richard II de Shakespeare - Critique sortie Avignon / 2022 Avignon Festival d’Avignon. Gymnase du lycée Aubanel
DR / Christophe Rauck

Gymnase du lycée Aubanel

Publié le 26 juin 2022 - N° 301

Le comédien Micha Lescot et le metteur en scène Christophe Rauck se retrouvent autour de Richard II, le roi destitué à la parole augurale dont la tragédie interroge la puissance politique du verbe.

Comment ce projet est-il né ?

Christophe Rauck : Après notre travail sur la pièce de Rémi De Vos, Départ volontaire, j’avais demandé à Micha Lescot quel rôle il aimerait jouer. Il m’a parlé de Richard II. Pour moi qui viens du Théâtre du Soleil, il s’agissait d’un spectacle mythique du cycle des Shakespeare, d’un moment fondamental de son histoire et de son répertoire. Jamais je n’aurais imaginé monter cette pièce si Micha ne me l’avait pas demandé. J’ai accepté parce que l’envie de faire ce voyage avec lui était plus forte que mon appréhension.

« En politique, la parole que l’on porte est toujours plus grande que ce qu’on est. »

Qui est Richard II ?

C.R. : Richard II c’est d’abord une histoire, et j’essaie de faire en sorte qu’à travers elle, on arrive à rencontrer une personne. Je ne voulais pas faire de Richard II un personnage sentimental ; plutôt l’inscrire dans une vision très politique du pouvoir. Il est un roi qui gouverne – certains disent mal –, il a le pouvoir, veut le garder et se fait destituer. Lorsque Richard perd la couronne, il devient prophétique. Devenu roi de rien, il devient celui de la parole, la portant à l’instar des grands bouffons. Sa liberté d’expression fait tomber le rideau de la comédie du pouvoir. Au début, je ne comprenais pas la comparaison de ce personnage avec Hamlet, jusqu’à élucider la ressemblance de la figure du bouffon avec celle du fou : tous deux saisissent mieux la réalité en en étant dégagés.

Quelle est la morale de cette pièce sur la nature du pouvoir ?

C.R. : La morale n’a pas sa place au théâtre. Shakespeare ne donne pas de leçon. Il nous questionne. Et il est passionnant de constater combien sa description de la relation au pouvoir est encore prégnante aujourd’hui. Qu’est-ce que gouverner, se tromper en politique, passer du Capitole à la roche Tarpéienne ? Destituer, faire tomber les hommes politiques, considérer des choses comme impardonnables, n’avoir pas envie de pardonner : tout cela fait écho à ce plaisir que nous éprouvons à voir tomber un puissant de son piédestal. Mais il n’y a pas plus de vérité que de morale au théâtre : Shakespeare ne dévoile pas la vérité de la politique mais nous offre de comprendre les agencements qui rendent possibles les choses. Ce qui me plaît dans cette pièce, c’est qu’elle interroge aussi la force symbolique des hommes de pouvoir et comment leur parole les dépasse. En politique, la parole que l’on porte est toujours plus grande que ce qu’on est. La dimension symbolique de la fonction accroît celle de la parole portée, et il arrive parfois que les habits soient trop grands pour celui qu’ils recouvrent. Dans cette pièce, tout ce qui est dit vaut comme prédiction, tout ce qui est dit se réalise. C’est donc aussi une pièce sur la parole et ses pouvoirs.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Christophe Rauck met en scène Richard II de Shakespeare
du mercredi 20 juillet 2022 au mardi 26 juillet 2022
Festival d’Avignon. Gymnase du lycée Aubanel
rue Palapharnerie, 84000 Avignon

Du lundi au samedi à 18h ; relâche le vendredi. Tél. : 04 90 14 14 14. Durée : 3h.

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