La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2022 - Entretien / Sabrina Kouroughli

Sabrina Kouroughli porte à la scène L’Art de perdre d’Alice Zeniter

Sabrina Kouroughli porte à la scène L’Art de perdre d’Alice Zeniter - Critique sortie Avignon / 2022 Avignon Avignon Off. 11•Avignon
DR / Sabrina Kouroughli

Avignon Off / 11 · Avignon

Publié le 26 juin 2022 - N° 301

Sabrina Kouroughli adapte et met en scène le roman d’Alice Zeniter en réunissant Yema, la grand-mère, et Naïma la petite-fille qui reconstitue le puzzle de sa famille et interroge ses racines pour se reconstruire.

« Lorsque j’ai découvert L’Art de perdre, ça a été un coup de cœur. Je me retrouvais dans cette histoire : la grand-mère analphabète, Kabyle parlant à peine le français, était comme la mienne. J’avais envie d’une saga familiale et, au départ, j’ai réuni une dizaine de comédiens pour saisir l’œuvre au niveau historique. Mais j’ai vite compris que ces grands-mères figées dans le temps et murées dans le silence familial offraient la clé pour adapter ce roman au-delà de la grande Histoire, dans le rapport à la transmission. Comment les petits-enfants mettent-ils des mots pour savoir ce qui s’est passé dans leur propre famille et ce qu’ont vécu ceux qui se sont tus, souvent malgré eux, parce qu’ils voulaient s’intégrer, se fondre dans la société et oublier leur histoire, alors que ce silence a pourtant laissé des séquelles ? C’est ce trajet qui m’a interpellée. J’avais envie moi-même de comprendre ce qui s’était passé dans ma famille.

Une histoire sans fin

Nous avons finalement fait le deuil de la troupe pour nous attacher au personnage de Naïma, cette femme d’aujourd’hui, en plein burn out au moment des attentats, qui déclenche sa recherche du passé familial pour comprendre d’où vient sa famille. Nous abordons l’œuvre depuis la cuisine de Yema, endroit où les langues se délient. À travers le dialogue entre la grand-mère analphabète et Naïma qui arrive avec son ordinateur, se reconstitue le puzzle de l’histoire. Pendant deux ans, nous avons travaillé avec des jeunes lycéens, comédiens amateurs. Devant la caméra, ils prennent en charge les figures historiques des événements qui agitent l’Algérie de 1954 à 1962. Nous les avons aussi interviewés sur leur rapport à l’exil, leur arrivée en France. À Avignon, nous avons travaillé avec les élèves du lycée Mistral et nous intègrerons les interviews des jeunes Avignonnais au film. Ce roman n’est pas seulement l’histoire des Harkis, il permet de raconter tous les migrants d’aujourd’hui qui partent avec une valise en pensant revenir. Les blessures d’exil se transmettent de génération en génération. C’est une histoire sans fin, et je crois que le théâtre peut en témoigner. »

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

L’Art de perdre
du dimanche 10 juillet 2022 au vendredi 29 juillet 2022
Avignon Off. 11•Avignon
11, boulevard Raspail 84000 Avignon

à 10h30. Relâche les 12, 19 et 26 juillet. Tél. : 04 84 51 20 10. Durée : 1h15.

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