La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Brûle

Brûle - Critique sortie Théâtre
Légende : Chaos de Noël dans Brûle Crédit photo : Arnold Gendron

Publié le 10 mars 2012 - N° 196

Des Pères Noël qui confectionnent des paquets pour enfants dans une cave où parvient l’écho des émeutes du dehors. Voilà la trame de Brûle, pièce excessivement revendicative, que, à tort et à raison, vous pourriez bien ne pas aimer…

Le Groupe Krivitch appartient au Collectif 12, collectif de compagnies basées à Mantes-la-Jolie. Difficile de disconvenir que Brûle, sa dernière création qu’on a pu découvrir en début de saison au TGP, est pétrie de défauts. A l’approche de Noël, de vieux copains, qui ont reconverti leurs idéaux en une société de confection de colis pour enfants, s’embrouillent entre eux et avec leur client, tandis que la révolte sociale gronde au dehors. Critique d’une société en décomposition et amertume du renoncement – portées notamment à travers de longs monologues menés face public, hors-cadre pour ainsi dire des situations – parcourent une action qui ne ménage ni suspens ni coups de théâtre, plutôt stéréotypée dans ses personnages et attendue dans ses développements. Ludovic Pouzerate, auteur du texte, dit vouloir créer un théâtre vitaliste, « « sans destructivité mais non pas sans révolte, la révolte étant précisément la capacité de dire non à tout ce qui attaque le sentiment d’appartenance à la commune humanité ».  « Je me révolte donc nous sommes », Camus l’avait dit autrement. Résultat, un spectacle frontal et radical qui fait entrer sur scène les rappeurs du groupe Indics qui ont composé pour l’occasion trois morceaux originaux.

Aux antipodes des propositions intellos et raffinées

Ce spectacle pose pourtant des questions, et pas des moindres. Non pas sur le fond puisque le propos sur l’individualisme contemporain et la dislocation des solidarités n’est pas foncièrement nouveau, régulièrement porté au théâtre. Mais sur la forme à la fois archaïque et novatrice, qui porte en elle quelque chose de révolutionnaire. A l’heure où le théâtre se désespère de se confiner jusqu’au compost dans la fréquentation d’un public éduqué et bourgeois, l’irruption sur scène d’une esthétique sociologiquement différente, versant résolument du côté des arts urbains, qu’on pourrait qualifier aussi  de brute de décoffrage, se situe aux antipodes des propositions intellos et  raffinées, très séduisantes souvent,  de nombreux spectacles contemporains qui reviennent sur les impasses de l’engagement. A transposer ce paradigme esthétique dans le domaine politique, on pourrait dire que ce spectacle fait surgir la passion et la puissance d’un discours d’extrême gauche devant un public adepte des dilemmes et circonvolutions de la social-démocratie. A sortir ainsi des circuits convenus et à s’écarter de certaines règles du bon goût, le théâtre n’a rien à perdre, beaucoup à gagner, en témoigne ce spectacle qui se révèle aussi maladroit que jouissif, et subversif sans hésiter.

Eric Demey


Brûle de Ludovic Pouzerate, du 20 au 31 mars à Confluences, 190 bd de Charonne, Paris 20ème. Tél : 01 40 24 16 16

A propos de l'événement


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