La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Boule de suif, de Guy de Maupassant, mise en scène de Sylvie Blotnikas

Boule de suif, de Guy de Maupassant, mise en scène de Sylvie Blotnikas - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre Le Lucernaire
André Salzet dans Boule de suif. Crédit : Michel Paret

de Guy de Maupassant / adaptation André Salzet et Sylvie Blotnikas / mes Sylvie Blotnikas

Publié le 2 octobre 2020 - N° 287

André Salzet interprète Boule de suif, qu’il a adapté de Maupassant avec Sylvie Blotnikas, qui le met en scène. Un spectacle qui se savoure comme un conte et se reçoit comme une salutaire leçon de morale…

Son maître Flaubert, qui recommandait de « traiter l’âme humaine avec l’impartialité que l’on met dans les sciences physiques à étudier la matière », l’avait appris à Maupassant : inutile de commenter l’action, il suffit de décrire. André Salzet s’inscrit dans cette veine et raconte l’histoire de la malheureuse Elisabeth Rousset en physiologiste des passions plutôt qu’en psychologue ou en moraliste. Il ne juge pas la pusillanimité et l’égoïsme des « gredins honnêtes » qui méprisent la putain après l’avoir contrainte à se sacrifier comme une sainte, il les incarne. Le plateau nu, dont l’atmosphère varie seulement grâce aux lumières d’Ydir Acef et à la musique de César Franck, accueille le comédien, qui, en naturaliste fidèle, ne force pas le trait et laisse le spectateur seul juge de la grandeur de la victime et de la mesquinerie de ses bourreaux. L’histoire est connue : après avoir refusé les avances de l’officier allemand qui retient le groupe de Rouannais en fuite dont elle partage la voiture, Boule de suif finit par céder aux injonctions de ses compagnons de voyage. Une passe pour un laissez-passer : le contrat paraît équitable à ceux qui n’ont pas à l’honorer…

Théâtre de l’épure pour éloge du grandiose

Dans la diligence qui leur permet de fuir Rouen occupée par les Prussiens, ainsi qu’à l’auberge de Tôtes, où ils attendent de pouvoir repartir vers Le Havre, se trouvent le démocrate Cornudet, les Loiseau, les Carré-Lamadon, les Bréville et deux religieuses. Tous sont également veules, lâches et peureux, et même le patriote Cornudet, qui parle plus qu’il n’agit, laisse la putain se faire violer. Sournoiserie bourgeoise, hypocrisie aristocrate, soutien de la religion pour conduire Boule de suif à l’autel du sacrifice comme s’il s’agissait de celui du mariage : pas un seul de ces tristes sires ne sauve l’honneur. André Salzet, guidé avec une sobre efficacité par Sylvie Blotnikas, les incarne tour à tour en passant subtilement d’une grimace à un rictus, d’un rire gras à une blague salace, d’une minauderie ridicule à une éructation vindicative. On voudrait – même si l’on connaît la chute et encore plus quand on ne connaît pas la nouvelle – qu’un miracle se produise et que Boule de suif soit sauvée. Mais le comédien ne laisse aucun répit au public et le conduit jusqu’aux tréfonds de l’âme humaine, infiniment plus répugnante, plus sale et plus écœurante que ne l’est la fleur de trottoir, si joliment défendue par ce spectacle.

Catherine Robert

A propos de l'événement

Boule de suif, de Guy de Maupassant, mise en scène de Sylvie Blotnikas
du mercredi 2 septembre 2020 au dimanche 18 octobre 2020
Théâtre Le Lucernaire
53, rue Notre-Dame des Champs, 75006 Paris

Du mardi au samedi à 18h30 ; le dimanche à 15h. Tél. : 01 45 44 57 34. Durée : 1h.

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