Boule à neige de Mohamed El Khatib et Patrick Boucheron

D’où est née l’idée de cette création à deux voix sur les boules à neige ?

Mohamed El Khatib : D’abord, d’une envie de Patrick Boucheron et de moi-même – qui partageons des affinités esthétiques et politiques – de travailler ensemble. En réfléchissant à un sujet qui pourrait nous réunir sur scène, l’idée d’en savoir plus sur l’univers de la boule à neige est apparue. Et elle nous a semblé intéressante…

 Pour quelles raisons ?

M.E.K.: Cet objet de la culture populaire paraît un peu kitsch, un peu ringard, mais lorsqu’on se penche sur son histoire, il n’est pas si anodin que cela. Patrick et moi avons cherché à savoir d’où il venait et comment il avait traversé le temps. Pour cela, nous avons rencontré des collectionneurs, de Nuremberg à Los Angeles, en passant par Montluçon. C’est en parlant avec ces femmes et ces hommes que nous avons réalisé qu’il s’agissait d’un objet très riche. Comme un petit théâtre qui témoigne de son époque, la boule à neige permet de reconstituer un monde en miniature.

« Comme un petit théâtre qui témoigne de son époque, la boule à neige permet de reconstituer un monde en miniature. »

Elle représente ainsi une sorte d’archive contemporaine…

M.E.K.: Exactement. On trouve les tours du World Trade Center en boule à neige, des figures d’anciens papes… : toutes sortes de choses qui sont aujourd’hui des vestiges. Et puis nous avons rencontré un collectionneur allemand qui a mis les cendres de ses parents dans une boule à neige. A partir de toutes ces découvertes, Patrick et moi nous sommes mis dans la peau d’archéologues du futur qui, dans deux mille ans, se demanderaient ce que représentaient pour nous ces petits objets.

Quel processus d’écriture a abouti à cette création ?

M.E.K.: Comme je l’ai dit, nous avons interviewé des collectionneurs, mais aussi des fabricants de boules à neige. Puis nous avons interrogé notre propre rapport à cet objet, ainsi que l’idée de collection, en essayant de déterminer ce qui rend une collection légitime ou illégitime. Nous avons conçu cette proposition comme une performance. Nous ne disposerons pas d’un texte écrit à l’avance, mais puiserons parmi les matériaux réunis lors de nos recherches. Nous n’avons, ni l’un ni l’autre, envie de jouer les acteurs ou les historiens. Nous souhaitons arriver sur scène dans un état de fragilité, afin d’opérer un vrai déplacement, afin que cette rencontre autour de la boule à neige soit une vraie rencontre avec les spectateurs. La liberté que nous nous octroyons nous permettra, chaque soir, de vivre quelque chose de différent, d’ouvrir des espaces de débat qui exploreront l’histoire de cet objet intimement lié à l’histoire des classes populaires.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat