La Terrasse

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Danse - Gros Plan

Black’n’blues

Black’n’blues - Critique sortie Danse
Légende : De savoureuses parodies des shows populaires issus de la culture afro-américaine. © Gilles Toutevoix

Publié le 10 juin 2011 - N° 189

Des Blancs grimés en Noirs imitent des Noirs qui singent des Blancs… Mark Tompkins s’inspire des « minstrel shows » qui se développèrent au XIXe siècle aux Etats-Unis.

Un Uncle Sam subtilement hystérique anime un show déjanté. Quatre artistes grimés se livrent à de savoureux numéros chantés et dansés, dont l’énergie rejaillit sur les spectateurs. « Tu es belle pour une Noire », susurrent des femmes à la poitrine et aux fesses surdimensionnées. Sur la bande son, Nina Simone chante Strange fruit. Black’n’blues nous ballotte ainsi entre le rire et la gêne, l’adhésion et la stupeur. Un arrière-goût amer colore le plaisir de se laisser emporter par la vitalité des interprètes. Pour cette nouvelle pièce, Mark Tompkins, Américain installé en France, dont le travail irrigue la danse contemporaine depuis le début des années 1980, se saisit d’une référence à haut risque : les « minstrel shows » qui virent leur apparition dans les années 1830, lorsque le comédien (blanc) Thomas Dartmouth Rice endossa le rôle d’un vieil esclave, avec un succès retentissant. Le « blackface » se développa au point de devenir un véritable phénomène de société.
 
La force subversive d’un nouveau spectacle populaire
 
Mark Tompkins se saisit de ces images et de ces performances, qu’il voit comme un renversement infini des identités et des positions de pouvoir : le Noir imite le Blanc qui imite le Noir, les femmes jouent le rôle d’hommes travestis en femmes, le dominé domine et vice-versa… Les références historiques s’entrechoquent : après les spectacles du XIXe siècle, sont évoqués le blues, le disco, le rap. Autant de sources pour réinventer l’art de la danse – qui devient ici une véritable performance physique, théâtrale et musicale, avec des parties vocales impressionnantes. Autant de formes, surtout, d’un regard sur l’autre marqué par les préjugés, le sexisme et le racisme : il faut la virtuosité et la force subversive de Mark Tompkins pour en faire un véritable spectacle, aussi drôle qu’ambigu. Sans proposer de morale, il partage des questions plus complexes encore qu’il n’y paraît, en nous faisant rire où cela fait mal.

Marie Chavanieux


Black’n’blues – A minstrel show, de Mark Tompkins, les 21, 22, 24 et 25 juin à 20h30 (à 19H30 le 22 juin) à la Grande halle de la Villette/Salle Boris Vian – Métro Porte de Pantin. Réservations : 01 40 03 75 75

A propos de l'événement


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